Renaîtra-t-il de ses cendres ? Le Groupe Waflash s’est aujourd’hui disloqué, même si ses membres, pour la plupart à l’Étranger, nourrissent le projet de recoller les morceaux. L’Obs est allé fouiner au Palais des arts, nid du groupe.
Casquette couvrant le chef, un bonhomme mince comme un jour sans pain, s’échine à nettoyer les tasses en verre soigneusement rangés sur une étagère du bar du Palais des arts. Des minettes qui rêvent des planches discutent entre elles des modalités pratiques d’un défilé de mode qu’elles préparent. Au dancing, un poster géant du manager du groupe Waflash, Mame Boubou Guèye dit Beuz, décédé quelques mois plus tôt d’un arrêt cardiaque, accroché au mur. Des fans du groupe West african Flash (Waflash) y ont apposé de multiples signatures d’hommage. D’ailleurs, ses camarades ont le projet de se réunir pour organiser un mémorial à son honneur.
A côté, un autre grand poster du groupe Waflash Les membres du groupe des années 90 y sont au complet. Maguette Thiam «Max », le talentueux claviériste, Mamadou Yade dit «Blanc’ Plume», lead vocal et guitare acoustique), Moustapha Guèye «Kool-U» qui gère la guitare basse, Macodou Ndiaye «Ndiaw», le grand batteur, Pape Mamadou Mbaye, et Bougouma Mbengue «Gallas » percussionnistes, les frères Bâ, Cheikhou dit Toto, guitariste et son frère Racine «Race», claviériste, feu Bouba Guèye «Beuz» (ex-batteur devenu manager), Do Sané, 3e lead vocal et sa nièce, Ma Sané, lead vocal. Un grand sourire balafre leur visage. C’était le Waflash dans toute sa splendeur.
Aujourd’hui, le groupe s’est disloqué. Les férus qui allaient au Palais des arts pour les écouter sont aujourd’hui sevrés de leur musique, un mélange afro-mbalax. Le groupe est devenu l’ombre de lui-même, pour dire qu’il n’existe que de nom. Les moteurs du groupe sont tous en Europe ou aux Usa. Max Thiam, claviériste-guitariste, cerveau du groupe, vit aux Usa. Ce natif de Grand-Thiès était un pion essentiel dans le management du groupe. Sa forte personnalité influait sur les autres. Au téléphone, il réitère l’ambition des membres de Waflash de reconstituer le groupe. «Suivant les projets personnels des gens, il peut arriver qu’on arpente d’autres voies. Je ne veux pas pour l’instant communiquer sur le groupe. On a un groupe WhatsApp où on partage des idées. Je suis en contact permanent avec les autres membres. Nous travaillons sur un plan de communication. Depuis 4 ans, je suis aux Usa. Mais il ne se passe pas une année où on ne s’est pas retrouvé pour jouer au Palais des arts. On sait là où on veut aller. Cela va de soi. Je suis dans la musique et j’y reste», renseigne-t-il.
Max Thiam projette de revenir au Sénégal, même s’il fait son trou aux États-Unis. «On parle seulement de Waflash. Même Youssou Ndour et le Super étoile ont connu une mutation. Le visage que nous avons n’est pas celui du Super étoile des années 80. Les groupes changent et évoluent avec le temps. Certains ont des parcours individuels. C’est comme le Xalam. Mais ce n’est pas cela le plus important», confie-t-il. Aujourd’hui, Toto est devenu le gardien du temple, suite au décès de Mame Boubou Guèye, ancien manager du groupe. Il essaie tant bien que mal de faire tourner le Palais des arts, avec d’autres groupes de musique, notamment le Royal Band de Secka. Il refuse de parler de dislocation du groupe, alors que les trois lead vocaux du groupe vivent tous à l’étranger. Ma Sané s’est marié avec un Français, vit en France et ne vient au Sénégal que pour quelques jours de vacances, en compagnie de son enfant. Le second lead vocal, Mamadou Yade, s’est installé aux Usa depuis 2009 et y mène une carrière solo. Le 3e lead vocal, Do Sané, est en Italie. Malgré tout, Toto reste optimiste. «Nous avons le projet de reconstituer le groupe. Nous sommes en contact permanent. Certes, certains ont des projets individuels, mais on a des projets d’albums. C’est possible qu’on se retrouve. Le Xalam l’a réussi. Pourquoi pas notre groupe ?»
Waflash est constitué d’une bande d’amis qui habitent dans la ville de Thiès, entre les quartiers Som et Grand-Thiès. En 1988, l’année blanche qui avait noirci beaucoup d’horizons scolaire, a favorisé leur projet de mettre sur pied un groupe de musique. Mettant leur temps libre à profit, ils s’initient à la musique. La tête farcie d’idées, ils proposeront un autre genre musical, un mélange de rythmes africains, occidentaux, qui donne un Mbalax assez métissé, inspiré de la musique de Xalam et Touré Kunda. Dans leurs chansons, ils abordent des faits de société. Ils sortent leur premier album en 1996. Très vite, ils s’imposent sur la scène musicale, à travers des concerts et des soirées au Palais des Arts, en Afrique, en Europe, en Asie. En 2003, le groupe sort 2 opus Bella Casa et Mappando (alter ego), en collaboration avec un musicien américain Ken Stringfelow. En 2004, il effectue encore une tournée européenne de promotion qui le conduit en France, Italie et Allemagne.
Ma Sané mariée et établie en France
Ma Sané, l’icône du groupe, aurait pu aller loin dans la musique. Youssou Ndour avait très tôt détecté son talent et envisageait même de l’accompagner, avec le lancement de son label «Xippi». Il voulait donner un coup de pouce au groupe qui s’était fait un nom dans le monde de la musique. Sidy Diakhaté, promoteur de lutte, par ailleurs ancien président du Fan’s Club Youssou Ndour, se souvient de cette époque. «Youssou Ndour m’avait recommandé de me rapprocher du groupe pour proposer aux leaders de laisser Ma Sané venir répéter avec le Super étoile qui préparait une tournée internationale. Il pensait que l’argent que Ma Sané allait gagner lui permettrait d’aider Waflash. Je suis allé leur parler. Ils étaient très réticents.
Finalement, le groupe a accepté que certains d’entre eux puissent jouer avec le Super étoile», narre-t-il. «Youssou avait demandé qu’on leur branche le matériel pour qu’ils jouent en avant-première à la Caserne Samba Dièry Diallo de Dakar afin qu’il puisse les écouter. Les membres de Waflash avaient pensé que Youssou Ndour voulait débaucher Ma Sané, alors qu’il voulait juste aider. Ils ont donné leur accord. J’ai loué un minicar pour les conduire à Dakar. A 15 heures, lorsque je suis arrivé au quartier Som, leur fief, ils avaient tous disparu. C’est ainsi que l’idée a capoté», regrette-t-il. 10 années plus tard, Youssou Ndour leur a offert une soirée au Palais des Arts. L’entrée était à 20 000 FCfa. Il leur a offert toute la recette. «A l’époque, Waflash était un groupe adulé.
Il jouait à Dakar, à Saly et partout ailleurs. Les choses marchaient bien pour cette bande de copains. Si Ma Sané avait accepté la main tendue de Youssou Ndour, elle aurait aujourd’hui sûrement une aura internationale. Sa belle voix a toujours impressionné Youssou», révèle Sidy Diakhaté. Seule femme au milieu d’un groupe d’hommes, elle avait réussi à s’illustrer comme l’une des voix montantes de la musique sénégalaise avec un style unique. Comme Ma Sané, certains membres du groupe ont choisi de faire une carrière solo à l’étranger. «La musique paie plus en Europe. En un seul concert, le musicien peut se retrouver avec un cachet de 150 000 FCfa, alors qu’au Sénégal, on a juste 10 000 FCfa. Il est difficile de voir un musicien gagner 150 000 FCfa le mois, au Sénégal, malgré de multiples prestations», confie Latyr Sèye, claviériste du groupe Royal Band.
En 1996, waflash met sur le marché son premier album, «Yoon wi», «La voie». En 1998, il rend hommage à feu Abdoulaye Prosper Niang du groupe Xalam. En septembre 2001, après la sortie de la cassette Gotel, le groupe effectue une tournée en Italie et au retour, enregistre Gorgui. Entre 2004 et 2007, Waflash sort successivement Yow-nit, une réflexion sur la condition humaine et sur l’intégrité et un Cd-Anniversaire. En novembre 2007, Waflash signe pour 3 albums avec le producteur sénégalais, Ibrahim Guèye de Kavall Records, un label créé à Paris avec Patrick Alidor et François Xavier. Durant cette même année, le groupe crée son propre espace culturel au quartier 10e Rioam, comprenant un restaurant et une salle de concert en plein air. Aujourd’hui, d’autres formations musicales y font des prestations, au grand dam du groupe Waflash, éparpillé dans le monde. Toutefois, il faut reconnaître que ses membres ont joué un rôle primordial dans l’évolution de la musique à Thiès, imposant un style qui véhiculait l’identité culturelle de toute une ville.
OUSSEYNOU MASSERIGNE GUEYE
