Le phénomène de la surpopulation carcérale a conduit à un dépassement de 5 200 détenus, alors que la capacité d’accueil totale des 37 prisons sénégalaises est de 7 350 places.
Le gouvernement est bien informé de ce boom démographique en milieu carcéral, à travers les rapports alarmants de la Direction de l’administration pénitentiaire (Dap), mais rien n’est fait.
Boom démographique en milieu carcéral ! La surpopulation atteint des proportions insoupçonnées, voire jamais égalées. Les chiffres font froid au dos. La capacité d’accueil totale des 37 prisons sénégalaises est de 7 350 places. Or, contrairement aux chiffres maquillés récemment publiés qui font état de 10 500 détenus dans les prisons sénégalaises, la population réelle s’élève à 12 550 personnes en conflit avec la loi, selon les informations de WalfQuotidien qu’il tient de documents authentiques. Elles sont réparties dans les quatre catégories de prison du pays. On les retrouve aux deux camps pénaux (Liberté 6 et Koutal), aux Maisons d’arrêt (Rebeuss, celle pour femmes Liberté 6), aux Maisons d’arrêt et de correction (Rufisque, Thiès, Kaolack, Saint-Louis, Mbour, Kolda, Ziguinchor, Gossas, Louga, Podor, etc.) ainsi qu’à l’unique et seule Maison de correction de Sébikotane.
Ce qui fait un dépassement de 5 200 prisonniers. Cette situation est due au fait que 20 parmi les 37 prisons ont dépassé leur capacité d’accueil, depuis longtemps. Cela est dû aux «mandats de dépôt excessifs délivrés» par les procureurs et les juges d’instruction à qui on reproche de ne pas «tenir compte de la capacité d’accueil de chaque prison». Prison la plus peuplée du Sénégal, Rebeuss où est détenu le député-maire de Dakar, Khalifa Sall, contient, à ce jour, plus de 2 500 pensionnaires, pour 1 600 places. Elle est suivie de la Mac de Thiès qui contient plus de mille détenus. Le Camp pénal de Liberté 6 qui doit prendre 800 détenus a un effectif de mille pensionnaires. Seuls 17 établissements pénitentiaires échappent à la règle, parmi lesquels la prison des mineurs de Hann (ex-Fort B), le Pavillon spécial, entre autres. Ce dépassement n’est pas sans conséquences puisqu’occasionnant souvent des remous en milieu carcéral. C’est ainsi que 8 mutineries ont été enregistrées ces dix dernières années dont la dernière a été celle du 20 septembre 2016 à l’origine de la mort d’Ibrahima Mbow Fall.
Capacité d’accueil des 37 prisons : 7 350 places
Pour régler le problème de la surpopulation carcérale, l’Etat du Sénégal a misé sur la délocalisation de Rebeuss vers Sébikotane. Mais ce projet du gouvernement est compromis par trois obstacles. Primo : l’Assemblée nationale n’a pas encore autorisé la vente de l’infrastructure sur laquelle Rebeuss est bâti qui appartient à l’Etat du Sénégal. Secundo : le prix de vente élevé, voire excessif (7 milliards FCfa) fait fuir les acquéreurs. Tertio : l’Etat n’a pas encore trouvé un acquéreur qui accepte d’attendre la finition des travaux (3 ans) de la nouvelle prison de Sébikotane devant accueil les détenus de Rebeuss. Face à l’échec dans sa «politique de désengorgement» de Rebeuss, l’Etat abdique dans ce projet et trouve une autre formule : construire de nouvelles cellules à Rebeuss, malgré le surpeuplement et la forte promiscuité. Désormais, le gouvernement ne parle plus de la délocalisation, un projet qu’il abandonne pour miser sur l’extension de la Maison de correction Sébikotane, vieille de 33 ans.
Cette prison dont les travaux d’extension avancent à grand pas comporte en son sein deux autres. La première est un espace aménagé pour 500 détenus dont la finition est en cours. Même si aucun délai n’est avancé, il reste probable qu’elle soit en état, au plus tard, en 2019. L’autre espace de même capacité est la fameuse prison destinée à accueillir les détenus du génocide rwandais, c’est-à-dire les condamnés du Tribunal pénal international pour le Rwanda (Tpir). C’est le 22 novembre 2010 que le Sénégal a signé avec les Nations-Unies un accord sur l’exécution des peines prononcées par le Tpir, basé à Arusha en Tanzanie. Une juridiction chargée de rechercher et de juger les principaux responsables du génocide Tutsi de 1994. Le Sénégal en devient ainsi le huitième pays à avoir accepté d’accueillir dans ses prisons des condamnés du Tpir, après le Mali, le Bénin, le Swaziland, l’Italie, la France, la Suède et le Rwanda.
Pape NDIAYE
