Mame Cheikhou Guèye alias « Sanekh », artiste-comédien: L’humour à fleur de peau

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THIEYSENEGAL.com : On dit souvent que rire est le meilleur médicament et certains ont le don de nous faire oublier stress et soucis quotidiens. Sanekh, Mame Cheikhou Guèye de son vrai nom, fait partie de ceux-là. Comme le bon vin, ce comédien aux multiples facettes et au talent naturel ne se démode jamais. Son parcours est une véritable odyssée humoristique. Distributeur automatique de rire, il a conquis son monde avec son bonheur contagieux et son énergie débordante.

Même hors de la scène, il est aussi drôle. Ses manières, ses mimiques, sa gestuelle détonante, ses grimaces, ses expressions dont lui seul a le secret… Tout chez lui fait rire. Même s’il affiche une mine très sérieuse, il est impossible de le voir sans glousser. C’est parce que le comédien Mame Cheikhou Guèye, plus connu sous le nom d’artiste de Sanekh, est irrésistible. Et cette hilarité, il le démontre avec brio dans la série télévisée « Bété Bété, le legs du sang ». Il y incarne le personnage de Ndiaga Thiam, un père de famille très conservateur, prêt à tout pour préserver les traditions familiales. Cette série met en lumière le système de castes devenu, aujourd’hui, une véritable tare sociale. Une interprétation tout à fait réussie par le comédien ; comme si ce rôle lui était taillé sur mesure. Dans la peau de Ndiaga Thiam, Sanekh marque les esprits, y allant à fond dans l’arrogance et l’impertinence. « Je me sens hyper bien dans la peau du personnage de Ndiaga Thiam.

C’est pour cela d’ailleurs que j’ai réussi ce rôle que j’apprécie beaucoup et j’ai eu plusieurs retours positifs », confesse-t-il. Son talent inénarrable a été salué à l’international avec le prix de « Sotigui Awards 2024 » de la meilleure interprétation masculine africaine dans une série télévisée remporté récemment au Burkina Faso. Sa performance exceptionnelle a été reconnue par les membres du jury et le public. Une consécration pour le comédien thiessois devenu universel. « Cette distinction m’a fait énormément plaisir. Pour dire vrai, je ne m’y focalisais pas trop au départ. Le fait d’être nominé était déjà une excellente chose. Mais, à ma grande surprise, j’ai remporté le prix. Je sais que je le mérite, que j’en ai les capacités et que je peux faire plus que ça », affirme le comédien qui dit ne pas être surpris par le succès de cette série qui aborde le problème des castes, une tare sociale source de rejet, de marginalisation, de discrimination. Des réalités culturelles qui rendent souvent impossibles de belles histoires d’amour. Pour Sanekh, l’originalité, c’est d’avoir touché un sujet très sensible en criant très haut ce que tout le monde disait tout bas dans le secret des chambres, des salons et des maisons.

« C’est une réalité qui a toujours existé et qui existe toujours au Sénégal. Et nous avons mis le doigt là où ça fait mal », explique l’artiste et comédien. Sans mettre de gants, Sanekh dénonce ces préjugés qui rendent difficiles certaines relations sociales, amoureuses, entre autres. Pour lui, les humains sont d’égale dignité et nul ne devrait être privilégié ou désavantagé en raison de sa naissance, de sa race, de son ethnie. « Le système des castes, c’est une chose à laquelle je ne crois pas. Je n’y adhère pas et j’y vais à fond pour le sortir de la tête des gens. Il faut effacer cela de nos consciences parce que ce n’est pas une bonne chose », affirme Sanekh. Dans l’univers complexe du théâtre comme de la télévision, des artistes et comédiens se retrouvent parfois cantonnés à certains rôles. Cependant, d’aucuns réussissent à sortir de ces carcans pour interpréter d’autres personnages. Sanekh fait partie de ce lot.

« J’ai incarné des rôles de directeur de société dans « Emprises », d’un père de famille très caractériel dans « Wiri-Wiri ». Actuellement, je suis en train de tourner un film, je joue le personnage d’un homme très puissant, mais voyou, qui a une mainmise sur plusieurs secteurs du pays… C’est dire que je peux m’adapter à tous les personnages ». Ce changement de registre, il dit l’avoir acquis avec la troupe « Soleil Levant » de Thiès. Pour le comédien, il n’est pas intéressant pour un artiste de rester dans un même registre. Sanekh soutient que celui-ci doit sortir de sa zone de confort et être capable de s’adapter à tous types de rôles. S’il a pu se distinguer dans des rôles plus dramatiques, comme son interprétation de Ndiaga Thiam dans la série « Bété Bété », c’est dans le registre de la comédie que Sanekh a forgé sa légende.

Au nom du théâtre !

Entre Sanekh et le théâtre, c’est pour la vie. Il ne s’imagine pas faire autre chose que cet art qu’il dit avoir démarré à l’âge de 13 ans quand le virus de la comédie l’a touché. Le foisonnement culturel de sa ville, Thiès, et de son quartier, Diakhao, a joué un rôle clé dans l’éveil de sa vocation. Il réalise très vite que sa capacité à divertir pourrait être un moyen de vie. C’est ce qui l’a propulsé vers le monde de l’humour. Et il ne compte pas le quitter de sitôt. « J’ai toujours fait du théâtre et je continuerai à le faire, encore et encore, même à 90 ans », assure l’artiste qui estime avoir gagné en maturité avec l’âge. « Le théâtre représente tout pour moi. Ce que je suis devenu et ce que je suis, c’est grâce au théâtre. Le théâtre a joué dans 70 % de ma vie ; que ce soit en termes d’ouverture, de réflexion ou en la manière d’aborder les gens, de voir le monde », confesse le comédien en rappelant que le théâtre l’a beaucoup forgé.

L’éducation militaire qu’il a reçue de son père également. Les planches du théâtre lui ont aussi servi de tremplin vers le cinéma. En plus des séries télévisées, il a joué dans « Une place dans l’avion », de Khadidiatou Sow et « Bois d’ébène » de Moussa Touré. Dans ce milieu, il a trouvé sa place, augmentant ainsi sa visibilité et sa reconnaissance professionnelle. Aujourd’hui, Sanekh peut se targuer d’exceller dans presque tous les registres. Il est à l’aise aussi bien dans les comédies que dans des projets plus dramatiques ; ce qui témoigne de sa polyvalence. « On faisait beaucoup de théâtre, de formation avec des professeurs de l’école des beaux-arts, mais aussi avec les Suisses et les Belges. Les artistes thiessois sont talentueux et ont le théâtre dans les veines. Je demeure persuadé que s’ils avaient bénéficié de soutien, on aurait eu une véritable industrie théâtrale africaine à Thiès », analyse le comédien qui déplore l’absence d’accompagnement des autorités. « Nous sommes dans un pays où le théâtre n’est pas très bien encadré. Nous avons le théâtre dans le sang, de bons scénaristes, de bons acteurs, décomplexés, mais l’encadrement ne suit pas.

L’accompagnement de nos autorités fait également défaut. C’est ce qui fait que nous sommes, aujourd’hui, très en retard par rapport à des pays comme le Burkina Faso, le Nigeria, le Maroc et la Tunisie. Peut-être que nos autorités ne comprennent pas les enjeux », fait-il savoir. Toujours est-il que le rire reste le moteur de son travail et sa créativité lui permet de sculpter davantage son art de l’humour.

Babou Faye, la référence

Depuis plus de 20 ans, Sanekh illumine la scène avec son humour déjanté et captivant. Grâce à son talent inné, il s’est imposé comme un artiste incontournable dans le monde de l’humour et de la comédie. Sa polyvalence et son audace se manifestent dans des numéros variés. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ni son art ni son humour ne laissent personne indifférent. En réalité, le comédien n’a jamais pu se défaire de son image d’amuseur public qui lui colle à la peau depuis ses débuts. Et elle renvoie à un autre artiste qui a, lui aussi, marqué le théâtre sénégalais d’une pierre blanche. Il s’agit de feu Babou Faye. Et ce n’est pas fortuit que l’ancien comédien de la troupe Daray Kocc, toujours prêt à partager son humour hilarant avec le public, soit la référence de Sanekh.

« La première fois que j’ai vu Babou Faye à l’écran, je l’ai aussitôt aimé. Il était comique et il trouvait toujours les bons mots et les gestes pour faire rire », reconnaît-il. Babou Faye a tenu le haut de l’affiche dans plusieurs représentations, dont la pièce « Sama allumette » où il a entraîné ses inconditionnels dans son univers délirant et sans filtre. C’est ce côté comique de l’artiste qui avait charmé l’apprenti comédien qu’était Sanekh. « Je me cachais derrière les toilettes de notre maison pour imiter ses manières, sa façon de mâcher là cola, de mettre son bonnet. Je peux dire que Babou Faye m’a beaucoup inspiré dans mes premiers pas dans le théâtre », affirme-t-il. D’autres comédiens comme Thierno Ndiaye Doss ont également marqué le comédien… Et à force de les imiter, Sanekh a pris conscience de son potentiel comique et de son habileté à captiver un auditoire qu’il a su exploiter à fond.

 

 

Le Soleil

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