THIEYSENEGAL.com : La polémique enfle autour des suspensions de médias ordonnées par le ministère de la Communication. Cette fois, c’est la voix d’Alioune Tine, fondateur du think tank Afrikajom Center et figure respectée de la société civile, qui s’élève pour dénoncer une entorse grave au principe de séparation des pouvoirs et à l’indépendance de la régulation médiatique.
Dans un message posté ce lundi sur le réseau social X (anciennement Twitter), Alioune Tine s’est montré particulièrement critique envers le ministre de la Communication, Alioune Sall, qu’il accuse d’excéder ses prérogatives légales.
« Ce n’est pas au ministre d’apprécier et de décider de la suspension d’organes de presse. Il n’en a ni la compétence ni la légitimité. Le ministre est juge et partie dans ce dossier, ce qui le place de facto en conflit d’intérêts », a-t-il affirmé.
Une procédure jugée illégale et inconstitutionnelle
Le cœur de la critique formulée par Alioune Tine repose sur le non-respect des mécanismes institutionnels prévus par la législation sénégalaise. Selon lui, seuls les organes de régulation indépendants, comme le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) ou le CORED, sont habilités à apprécier la conformité d’un média aux lois en vigueur et à prononcer une éventuelle suspension.« Une saisine de la Cour Suprême permettra de faire condamner cet acte illégal », a-t-il ajouté, appelant les acteurs du secteur à faire valoir leurs droits par la voie judiciaire.
Le Code de la presse sénégalais, en vigueur depuis 2017, prévoit effectivement des procédures de sanction clairement encadrées, incluant le droit à une information préalable, un droit de réponse, et un droit de recours. Aucune de ces garanties ne semble avoir été respectée dans les suspensions récentes, décidées unilatéralement par arrêté ministériel.
Une controverse qui met en lumière les failles institutionnelles
Le message d’Alioune Tine intervient dans un contexte de tensions croissantes entre le gouvernement et les médias, sur fond d’une vaste opération de « mise en conformité » du secteur lancée par le ministère. Des dizaines d’organes de presse, notamment en ligne et communautaires, ont déjà été visés par des notifications de fermeture ou des convocations sécuritaires.
Mais au-delà des faits, le débat touche à un principe fondamental : celui de l’indépendance de la presse dans un État de droit. En s’autorisant à trancher seul, sans concertation ni recours, le ministère semble court-circuiter les institutions prévues à cet effet.
Un appel au sursaut démocratique
Alioune Tine, figure centrale des luttes démocratiques depuis les années 1990, rappelle que la liberté de la presse n’est pas un privilège mais un droit constitutionnel protégé, et un pilier essentiel du pluralisme démocratique. Il invite les journalistes, les organisations professionnelles et les défenseurs des droits humains à unir leurs forces pour contester juridiquement et politiquement les décisions unilatérales de l’exécutif.
Cette prise de position, ferme et argumentée, remet sur la table un débat crucial : qui, au Sénégal, doit décider de la vie ou de la mort d’un média ? Pour Alioune Tine, la réponse est claire : sûrement pas le gouvernement.
La rédaction de THIEYSENEGAL.com