Fin de cavale pour « Kocc Barma » : El Hadji Babacar Dioum arrêté à Dakar, soupçonné d’être à la tête d’un vaste réseau de cybercriminalité sexuelle
THIEYSENEGAL.com : C’est une arrestation qui pourrait marquer un tournant dans la lutte contre la cybercriminalité au Sénégal. Traqué depuis 2018 par les services spécialisés, El Hadji Babacar Dioum, présumé être le cerveau opérant sous le pseudonyme de « Kocc Barma », a été interpellé cette semaine dans une résidence sécurisée située à Bourguiba, en banlieue dakaroise.
L’information, révélée par le journal Libération, a été confirmée de source policière. L’opération a été minutieusement planifiée par la Division spéciale de cybersécurité (DSC), avec le soutien tactique de la Brigade d’intervention polyvalente (BIP). Les forces de l’ordre ont procédé à l’arrestation dans la plus grande discrétion, afin d’éviter toute fuite d’éléments de preuve.
Derrière le surnom sulfureux de « Kocc Barma », qui alimentait depuis plusieurs années les réseaux sociaux et les plateformes de partage, se cacherait un système bien rodé de diffusion de vidéos intimes à caractère sexuel, principalement tournées à l’insu de jeunes femmes sénégalaises. Ces contenus étaient publiés via le site « bapibporno », aujourd’hui hors ligne, que les autorités ont brièvement contrôlé pour y afficher un message officiel de saisie.
Lors de la perquisition, les enquêteurs ont mis la main sur un vaste stock de preuves numériques : plusieurs centaines de fichiers vidéos compromettants stockés sur le matériel personnel du suspect, mais aussi des accès directs aux serveurs et plateformes utilisés pour la publication et la monétisation des contenus. Des codes d’accès, des correspondances compromettantes, et une activité numérique intense viennent appuyer les soupçons des enquêteurs.
Placé en garde à vue, Babacar Dioum nie toute implication directe dans le fonctionnement du site. Il aurait, selon ses premières déclarations, « seulement géré des contenus déjà publics ». Une ligne de défense qui convainc peu les enquêteurs, lesquels disposent de traces de transactions, de courriels et d’administrations techniques liées à son identité numérique.
En parallèle, l’enquête a mis au jour un circuit financier obscur, comprenant des flux d’argent transitant par des plateformes de paiement anonymes, souvent utilisées dans le dark web. Ces éléments tendraient à prouver que l’activité allait bien au-delà de la simple diffusion : chantage, extorsion et commerce de données intimes seraient au cœur du dispositif.
Des victimes nombreuses, un traumatisme collectif
Le cas « Kocc Barma » avait suscité une indignation croissante dans l’opinion publique sénégalaise, notamment du côté des associations de protection des femmes, qui dénonçaient depuis des années l’inaction face à cette exploitation numérique. De nombreuses jeunes femmes, parfois mineures au moment des faits, ont vu leur vie bouleversée par la diffusion non consentie de leur intimité.
L’arrestation de Dioum pourrait ouvrir la voie à une série d’auditions et à de potentielles révélations sur les complicités éventuelles au sein de ce réseau. Le parquet devrait prochainement lancer des réquisitions techniques et financières pour évaluer l’étendue du préjudice.
Une affaire à portée nationale
Si les autorités restent prudentes dans leur communication, cette arrestation est perçue comme un signal fort adressé aux cybercriminels opérant dans l’anonymat numérique. Elle met aussi en lumière les efforts de modernisation de la cybersécurité sénégalaise, qui multiplie depuis 2020 les structures spécialisées dans la lutte contre la criminalité en ligne.
Le mis en cause devrait être déféré au parquet de Dakar dans les prochains jours. Il pourrait faire face à plusieurs chefs d’accusation, dont atteinte à la vie privée, extorsion, diffusion de contenus pornographiques non consentis, et blanchiment d’argent. Un dossier explosif, aux répercussions judiciaires, sociales et politiques majeures.
Avec SENTV.info