Police des réseaux : la Division spéciale de cybersécurité, entre gardien des mœurs numériques et acteur judiciaire sous tension

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THIEYSENEGAL.com : La Division spéciale de cybersécurité (DSC), unité placée sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, s’impose de plus en plus comme un acteur central dans la régulation des usages numériques au Sénégal. Créée en 2017 et rattachée à la Direction générale de la police nationale, la DSC est désormais perçue par certains comme la “police des réseaux sociaux”, tant ses interventions sont devenues fréquentes dans les affaires mêlant figures publiques, propos controversés et plateformes numériques.

Une montée en puissance discrète, mais réelle

Depuis sa création, la DSC agit en application de la loi sur la cybercriminalité du 25 janvier 2008, qui encadre les infractions liées à l’utilisation frauduleuse des outils numériques : cyberharcèlement, chantage, diffusion de fausses nouvelles, atteintes aux bonnes mœurs, entre autres. En 2024, selon le rapport annuel présenté par la Police nationale en avril 2025, 3902 plaintes pour cybercriminalité ont été enregistrées, soit 0,83 % des infractions totales, dont 223 ont été élucidées.

Célébrités, influenceurs et figures politiques dans le viseur

La notoriété ou la visibilité médiatique ne semble pas exempter les individus des radars de la DSC. Plusieurs personnalités publiques ont récemment été convoquées, voire placées en garde à vue, dans des affaires qui soulèvent des questions sur les limites de la liberté d’expression à l’ère numérique :

  • Moustapha Diakhaté, ancien président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar, a été condamné le 28 novembre 2024 à 2 mois de prison ferme pour des propos jugés offensants diffusés via un système informatique.

  • Le journaliste Bachir Fofana, accusé de diffusion de fausses nouvelles, est en attente d’un verdict. Le parquet a requis 6 mois dont 3 fermes pour ses allégations sur un marché public controversé.

  • Badara Gadiaga, chroniqueur à la TFM, est poursuivi pour propos jugés attentatoires aux institutions, après une déclaration en direct dans l’émission Jakaarlo bi. Il a été incarcéré le 14 juillet.

  • Abdou Nguer, influenceur sur YouTube, est sous mandat de dépôt pour diffusion de fausses nouvelles et propos portant atteinte aux institutions. Il a été auditionné à plusieurs reprises, notamment sur ses propos sur le rapport de l’Inspection générale des finances.

  • Assane Diouf, lui aussi poursuivi pour propos diffamatoires et offenses envers des figures politiques, a vu son procès fixé au 7 août 2025.

  • Même les profils populaires sur les réseaux sociaux comme Mbodja Mbaye n’y échappent pas : arrêtée le 12 avril pour propos contraires aux bonnes mœurs, son cas a été pris en charge par la DSC sur instruction du parquet.

Unité efficace ou outil à double vitesse ?

Si la DSC se félicite de son rôle préventif et répressif dans la lutte contre la cybercriminalité, certaines voix s’élèvent pour dénoncer un traitement inégal selon le profil des mis en cause. Des juristes interrogés pointent la célérité des procédures lorsqu’il s’agit de personnalités médiatisées, comparée à une certaine lenteur dans le traitement des plaintes de citoyens ordinaires. D’autres alertent sur les risques d’instrumentalisation politique d’une unité censée garantir l’équilibre entre sécurité numérique et libertés fondamentales.

Une régulation encore en construction

À l’heure où les réseaux sociaux redéfinissent les rapports entre citoyens, médias et institutions, le rôle de la DSC apparaît à la fois indispensable et controversé. La frontière entre liberté d’expression, protection des individus et préservation de l’ordre public reste ténue, nécessitant un cadre juridique plus clair et équilibré, ainsi qu’une communication institutionnelle plus transparente.

La cybercriminalité évolue, et avec elle, les responsabilités des autorités chargées d’y faire face. Mais à l’ère du tout-numérique, la légitimité des sanctions repose autant sur la loi que sur la perception d’une justice équitable et non sélective.

La rédaction de THIEYSENEGAL.com 

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