CANAL+ : Une redevance de 4,5 milliards… payée par les Sénégalais ? : Par Samba Sy

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THIEYSENEGAL.com : Derrière la taxe de 9 % imposée à CANAL+ par l’État du Sénégal, une hausse des prix qui pèse directement sur les ménages. Silence politique, stratégie fiscale et impact sur le pouvoir d’achat : décryptage.

C’est une décision passée presque inaperçue, et pourtant elle coûte cher au portefeuille des Sénégalais. L’État du Sénégal, dans un effort de mobilisation fiscale, a imposé une redevance de 9 % sur le chiffre d’affaires de CANAL+. Officiellement, une mesure de « justice économique ». En réalité, les véritables contributeurs ne sont pas les multinationales, mais les abonnés sénégalais, contraints d’absorber une hausse immédiate des tarifs de 10 %.

Un constat simple s’impose : le pouvoir public n’a ni encadré la répercussion de cette taxe, ni protégé les consommateurs.

Les chiffres qui parlent d’eux-mêmes

En 2024, CANAL+ Sénégal aurait réalisé un chiffre d’affaires estimé à 50 milliards FCFA. Avec l’augmentation tarifaire de 10 % appliquée en 2025, ce chiffre grimperait logiquement à 55 milliards FCFA. Sur cette base, la redevance de 9 % représente 4,95 milliards, reversés au Trésor public. Résultat : CANAL+ conserve 50,05 milliards FCFA, soit une rentabilité quasiment intacte, voire améliorée.

Autrement dit, la taxe de 9 % censée être à la charge de l’entreprise est en réalité entièrement supportée par les consommateurs.

Une redevance collectée, pas supportée

Contrairement à ce que certains discours laissent croire, CANAL+ ne perd rien dans l’affaire. Elle se comporte ici comme un collecteur d’impôts pour l’État, sans impact réel sur sa marge. En revanche, le coût est directement transféré aux abonnés, dont beaucoup peinent déjà à subvenir à leurs besoins essentiels.

Et l’État ? Il empoche les 4,95 milliards… sans que cela ne se traduise par une amélioration visible du pouvoir d’achat ou des services publics.

Le silence troublant du politique

Ce qui frappe autant que la mécanique économique, c’est l’absence de débat autour de cette mesure. Aucune réaction officielle de la Présidence, ni du ministère du Commerce. Aucun encadrement par les autorités de régulation, comme l’ARTP. Et surtout, un mutisme notable du côté du parti Pastef, qui a pourtant bâti sa légitimité politique sur la défense des classes populaires et la critique de la prédation économique.

Pourquoi Ousmane Sonko et ses alliés n’ont-ils pas dénoncé cette manœuvre ? Cette posture pose question : le pouvoir actuel agit-il différemment des régimes qu’il dénonçait ?

Un modèle économique à bout de souffle

Cette affaire révèle une tendance plus large : l’État sénégalais semble désormais incapable de générer des recettes autrement qu’en taxant indirectement les ménages. Incapable d’attirer suffisamment d’investissements productifs, de freiner les monopoles ou de soutenir le tissu local, le gouvernement s’en remet à des montages fiscaux qui appauvrissent les citoyens.

Et le cas CANAL+ n’est pas isolé. On retrouve la même logique dans les secteurs de l’électricité, des télécommunications, de l’eau ou encore du transport urbain. Toujours le même schéma : une hausse des prix justifiée par une taxe ou une réforme, supportée in fine par les consommateurs.

Conclusion : le prix de l’inaction politique

En somme, les 4,5 milliards de FCFA que l’État va récupérer de CANAL+ sont financés… par les Sénégalais eux-mêmes. C’est un tour de passe-passe fiscal qui, en plus d’être injuste, révèle l’incapacité de l’État à se positionner comme protecteur du pouvoir d’achat.

La transparence, la régulation, et une réelle volonté de redistribution semblent absentes du modèle actuel. Il est temps de poser les vraies questions : à qui profite le système ? Et qui, au final, le finance ?

Par Samba Sy – Économiste, chercheur, Candidat à la Coordination du MEER National

La rédaction de THIEYSENEGAL.com 

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