THIEYSENEGAL : Alioune Tine, figure majeure de la défense des droits humains au Sénégal, a brisé le silence sur la situation carcérale de Badara Gadiaga et Abdou Nguer, deux chroniqueurs très suivis, actuellement incarcérés dans des conditions jugées préoccupantes par certains acteurs de la société civile.
L’ancien président de la Raddho (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme) s’est rendu mercredi à la prison de Rebeuss pour rencontrer ces deux figures médiatiques, qu’il qualifie sans détour de « détenus d’opinion ». Sa visite et ses révélations relancent le débat sur la judiciarisation du discours critique au Sénégal.
Inculpés dans des conditions encore floues, Gadiaga et Nguer sont maintenus en détention provisoire sans qu’aucune charge précise n’ait été rendue publique. Une situation que dénonce Alioune Tine avec fermeté.« Ils sont sereins, convaincus de leur innocence. Leur calme ne vient pas d’une résignation, mais d’une certitude : celle que leurs dossiers sont juridiquement vides », affirme-t-il.
Pour l’ancien patron de la Raddho, cette détention s’inscrit dans un contexte plus large : celui d’un climat politique tendu, où l’espace médiatique devient progressivement un terrain de répression.
Connu pour sa rhétorique acérée et sa capacité à structurer le débat, Badara Gadiaga est régulièrement accusé d’avoir une influence décisive sur l’opinion. Pour Alioune Tine, cette éloquence pourrait bien être la véritable cause de son arrestation.« Il sait frapper là où ça fait mal. Est-ce pour le faire taire qu’on l’a mis derrière les barreaux ? C’est la question que se posent de nombreux Sénégalais aujourd’hui », écrit Tine dans une tribune publiée sur ses réseaux.
Gadiaga, dont les interventions publiques sont souvent critiques envers les institutions, s’est vu retiré de l’espace public sans procès, ce qui alimente les soupçons de persécution politique.
Moins tranchant, mais tout aussi influent, Abdou Nguer adopte une posture résolument pédagogique derrière les barreaux. Lors de la visite, Alioune Tine l’a trouvé souriant, un manuel de français Bled CM2 à la main.« Il transforme l’espace carcéral en salle de classe. Il s’inspire de Mandela, dont la devise est affichée à la porte de Rebeuss : ‘L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde’ », rapporte Tine.
Ce geste pédagogique n’est pas anodin : il symbolise une résistance intellectuelle à l’enfermement physique, et une volonté de sublimer l’injustice par la transmission du savoir.
Dans un contexte politique déjà sous tension, où la liberté d’expression se heurte de plus en plus à des mécanismes répressifs, la détention de Gadiaga et Nguer suscite des inquiétudes.
Alioune Tine insiste : leur libération immédiate et inconditionnelle est impérative non seulement pour des raisons de droit, mais aussi pour rétablir un minimum de confiance entre institutions et citoyens.« Ce climat de haine, d’invectives et d’insultes ne peut produire que de la fracture sociale. Il est urgent de civiliser les rapports entre opposition et pouvoir », plaide-t-il.
La rédaction de THIEYSENEGAL.com