THIEYSENEGAL : Une pluie de financements, des lignes budgétaires floues, et des documents introuvables. Ce sont les grandes lignes du rapport ITIE 2024 sur les flux financiers dans le secteur extractif sénégalais, en particulier autour de Petrosen Holding, bras pétrolier de l’État. Entre 2021 et 2023, l’entreprise publique a brassé des centaines de milliards de francs CFA sans que les mécanismes de contrôle et de transparence soient véritablement respectés.
L’audit, conduit entre novembre 2024 et avril 2025, relève des « insuffisances graves en matière de transparence budgétaire », affectant à la fois la traçabilité des dettes, la publication des conventions, et la nature réelle de certains financements. Revue des principaux manquements relevés.
Le financement de la phase 1 des projets GTA (gazier) et Sangomar (pétrolier) a nécessité des emprunts auprès de BP, Kosmos et Woodside. Problème : les états financiers de Petrosen ne permettent pas de distinguer les dettes respectives de chaque projet. Une opacité jugée préoccupante, surtout pour deux opérations stratégiques d’envergure.
Une convention d’avance de fonds… jamais publiée
Petrosen a déclaré avoir perçu 135 millions FCFA de Fortesa, en remboursement d’un prêt lié à l’extinction d’un incendie sur le site gazier de Sadiaratou. Si une convention est évoquée pour justifier ces transferts, le rapport ITIE indique qu’elle n’a jamais été rendue publique, contrevenant aux exigences minimales de transparence.
9,8 milliards aux filiales, sans explication
En 2023, Petrosen affirme avoir financé ses deux filiales, RGS et Petrosen EP, à hauteur de près de 10 milliards FCFA. Mais aucune information complémentaire n’a pu être obtenue, ni du côté de Petrosen, ni du Trésor public, qui n’a enregistré aucun prêt officiel à des entreprises extractives sur cette période.
125 milliards via trois banques : conditions inconnues
L’État a mobilisé CDS, BSIC et Citibank pour octroyer un financement de 125 milliards FCFA à Petrosen pour le projet Sangomar. Le rapport souligne que les conditions de ces prêts (taux, échéances, garanties) restent totalement absentes de la documentation publique, en contradiction avec les standards internationaux en matière de gouvernance des ressources naturelles.
Une annulation de créance non justifiée
En 2022, les états financiers de Petrosen révèlent une annulation de créance au profit de l’État. Montant : inconnu. Origine : floue. Aucun lien officiel n’a pu être établi entre cette annulation et les financements que l’État avait accordés à l’entreprise la même année. De quoi poser de sérieuses questions sur la rigueur comptable du dispositif.
Une rétrocession de 117,5 milliards non traçable
Un écart de 117,54 milliards FCFA entre les montants alloués par l’État à Petrosen en 2021 (238,24 milliards) et ceux reportés en 2022 (120,70 milliards) a été justifié par le ministère des Finances comme une « rétrocession » prévue par accord. Or, cette rétrocession n’apparaît dans aucun tableau de financement de l’État, soulignent les auditeurs. Un vide qui mine la traçabilité des fonds publics.
45,9 milliards non classifiés : prêt ou subvention ?
Enfin, 45,9 milliards de francs CFA versés à la SAR et Petrosen Trading & Services (TS) n’ont pas été catégorisés clairement : prêt remboursable ou subvention déguisée ? La Cour des comptes, dans son propre rapport (2019–2024), comme l’ITIE, relève l’absence totale d’information sur les modalités financières.
Ces irrégularités mettent à mal les engagements de l’État du Sénégal en matière de gouvernance des ressources extractives, alors même que le pays s’apprête à entrer dans l’ère de la production pétrolière et gazière. L’image de Petrosen, censée incarner un acteur central de cette transformation économique, en sort affaiblie.
L a rédaction de THIEYSENEGAL.com