Présidence éclipsée ? Juan Branco désigne Sonko comme unique autorité
THIEYSENEGAL : Une nouvelle sortie de Me Juan Branco fait de nouveau grincer des dents à la tête de l’État. L’avocat franco-espagnol, membre du pool juridique de Ousmane Sonko, a affirmé dans une déclaration relayée par Les Échos que le seul détenteur de l’autorité politique légitime au Sénégal est le Premier ministre. Une phrase lourde de sens : « Il n’y a au Sénégal qu’une autorité politique légitime qui a la force suffisante pour exiger que justice soit faite. Et celle-ci est aujourd’hui Premier ministre. Il s’agit de Ousmane Sonko. »
Ce propos, en apparence juridique, a des implications politiques majeures. En plaçant Sonko au-dessus de tous, y compris du président de la République, Bassirou Diomaye Faye, Me Branco relance une polémique jamais totalement éteinte sur la nature réelle des rapports de pouvoir au sommet de l’État depuis l’arrivée du duo à la tête du pays.
La sortie de Me Branco survient dans un climat d’attente autour des suites judiciaires des violences politiques survenues entre 2019 et 2024, qui ont fait plusieurs morts et des centaines de blessés. Malgré les engagements initiaux du nouveau régime, les avancées concrètes tardent à se matérialiser.
Juan Branco accuse frontalement la Cour pénale internationale (CPI) de laxisme, lui reprochant son silence face aux « multiples sollicitations des victimes et des organisations de la société civile ». Il dénonce aussi ce qu’il considère comme une inaction croissante des autorités sénégalaises, y compris de Sonko, pourtant fer de lance des combats contre l’impunité sous Macky Sall.
Dans la même déclaration, l’avocat s’en prend également aux « élites bourgeoises de Dakar », qu’il accuse de vouloir « construire une impunité » pour les responsables présumés des violences passées, et de chercher à « freiner le respect des volontés populaires » exprimées lors des élections de mars 2024.
Ces mots, très durs, s’inscrivent dans une rhétorique que Me Branco utilise régulièrement, mais qui devient particulièrement sensible lorsqu’elle intervient depuis l’intérieur du pouvoir en place, dont Sonko est une figure centrale.
En affirmant que la seule autorité politique légitime est Sonko, Me Branco remet de facto en question la primauté institutionnelle du président Diomaye Faye. Une posture qui alimente les spéculations sur une gouvernance bicéphale où les rôles seraient flous, ou pire, déséquilibrés.
Officiellement, les deux hommes affichent une unité sans faille, héritée de leur engagement commun au sein du parti Pastef et du projet de rupture porté durant la campagne. Mais les déclarations comme celle de Juan Branco viennent régulièrement semer le doute, renforçant une lecture de leadership parallèle où Sonko incarnerait la volonté populaire, et Diomaye la vitrine institutionnelle.
Aucune réaction officielle n’a été enregistrée du côté du palais présidentiel ni de la Primature. Le silence de Sonko lui-même, pourtant directement concerné, suscite également des interrogations. Est-ce un choix stratégique pour éviter de donner de l’ampleur à la polémique ? Ou un malaise réel au sein du pouvoir ?
La sortie de Juan Branco, bien que présentée dans un cadre juridique, réactive les lignes de fracture sur l’organisation du pouvoir au Sénégal post-Macky Sall. Si elle vise officiellement à exiger justice pour les victimes des violences politiques, elle met également à nu une tension latente sur la légitimité, la parole et l’autorité au sein même du pouvoir exécutif.
Un débat qui, faute d’éclairage officiel, risque de s’enraciner durablement dans l’opinion.
La rédaction de THIEYSENEGAL.com