Thiaroye 1944 : le rapport sénégalais lève le voile sur un massacre prémédité et effacé des mémoires officielles

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THIEYSENEGAL.com : Plus de 80 ans après les faits, un rapport officiel sénégalais jette une lumière crue sur l’un des épisodes les plus sombres et les plus occultés de l’histoire coloniale française. Le massacre de Thiaroye, perpétré le 1er décembre 1944 par l’armée française contre ses propres soldats africains, aurait été, selon ce Livre blanc remis au président Bassirou Diomaye Faye, un acte « prémédité », « méthodiquement organisé » et « dissimulé » par les autorités coloniales de l’époque.

Commandé en avril 2024 par l’État du Sénégal dans une volonté de restauration de la vérité historique, ce document est le fruit du travail d’un comité pluridisciplinaire de chercheurs, historiens et archéologues. Il déconstruit les récits institutionnels établis depuis des décennies et révèle une réalité bien plus tragique que ce que la version officielle a longtemps laissé entendre.

Les faits se déroulent à Thiaroye, dans la banlieue de Dakar. Des centaines de tirailleurs dits sénégalais, anciens combattants africains de l’armée française durant la Seconde Guerre mondiale, y sont cantonnés après leur rapatriement d’Europe. Originaires du Sénégal, de la Guinée, de la Côte d’Ivoire, de la Haute-Volta (Burkina Faso actuel), ils réclament le paiement de leurs soldes impayées depuis des mois.

Selon le Livre blanc, l’administration coloniale a perçu ces revendications comme une menace directe à l’ordre impérial. Craignant que l’esprit de résistance et d’égalité né dans les tranchées européennes ne déborde sur les colonies, les autorités françaises auraient délibérément orchestré une intervention militaire meurtrière.

« L’opération visait à rappeler que l’ordre colonial restait intangible, même après les sacrifices des colonisés pour la liberté en Europe », lit-on dans le rapport.

Contrairement à la version française de l’époque, qui évoquait 35 morts, le rapport sénégalais estime que le nombre réel de victimes se situe entre 300 et 400. Des documents falsifiés, des registres manipulés et des témoignages étouffés auraient servi à camoufler l’ampleur de la tuerie, organisée avec la participation de la gendarmerie coloniale et de troupes sous commandement français.

La falsification aurait été systématique : modification des listes de soldats embarqués à Morlaix (en France), disparition de noms à l’arrivée à Dakar, alteration des motifs de leur détention à Thiaroye.

Pour la première fois, des fouilles archéologiques supervisées par l’État du Sénégal ont été menées depuis mai 2025 dans l’enceinte du cimetière militaire de Thiaroye. Ces recherches ont permis la découverte de restes humains portant des impacts de balles, corroborant ainsi les témoignages et les conclusions du rapport.

Le président Bassirou Diomaye Faye, en recevant officiellement le Livre blanc ce jeudi, a salué une « étape historique dans la réhabilitation de la mémoire des tirailleurs africains », insistant sur la nécessité de « sortir de l’oubli les pages censurées de notre Histoire ».

Le corps des tirailleurs sénégalais, créé en 1857, a regroupé jusqu’à sa dissolution dans les années 1960 des milliers d’Africains mobilisés dans les guerres et les conflits menés par la France. Malgré leur fidélité et leur bravoure, ces soldats ont été systématiquement marginalisés, tant sur le plan des droits que dans les récits historiques dominants.

Le massacre de Thiaroye, longtemps réduit à un incident administratif ou à une mutinerie, apparaît aujourd’hui comme un crime d’État colonial, prémédité et effacé des annales officielles.

Ce rapport ouvre la voie à des revendications pour des réparations symboliques, voire juridiques, et interpelle les autorités françaises sur leur responsabilité dans ce pan refoulé de l’histoire partagée entre l’Afrique et la France.

Un tournant mémoriel majeur vient d’être franchi au Sénégal. Reste à savoir si la France, à l’instar de ses anciens partenaires coloniaux, aura le courage d’affronter cette vérité dérangeante – et d’en tirer les conséquences.

La rédaction de THIEYSENEGAL.com

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