Côte d’Ivoire : L’État suspend les manifestations politiques pendant deux mois, tensions à l’approche de la présidentielle
THIEYSENEGAL.com : À moins d’un mois de l’élection présidentielle prévue pour le 25 octobre 2025, les autorités ivoiriennes ont annoncé une interdiction temporaire des manifestations politiques sur l’ensemble du territoire national. Une décision à forte portée politique, alors que la tension monte entre le pouvoir et l’opposition.
Dans un arrêté conjoint du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, signé le vendredi 18 octobre, le gouvernement précise que toute manifestation ou meeting public organisé par un parti ou groupement politique est proscrit pour une durée de deux mois, soit jusqu’à la fin du mois de décembre.
Une mesure restrictive, mais ciblée
L’arrêté introduit toutefois une exception pour les activités entrant dans le cadre du processus électoral, notamment les réunions liées à la campagne présidentielle, actuellement en cours. Mais en dehors de ce périmètre, toute tentative de rassemblement sera considérée comme illégale.
« Les contrevenants à cette mesure d’interdiction s’exposent à des poursuites judiciaires », souligne le texte officiel consulté par Le Journal du Jour.
Un contexte politique sous haute tension
Cette décision gouvernementale intervient dans un climat déjà marqué par une série de manifestations de l’opposition, débutées le 11 octobre dernier, dans plusieurs localités du pays. Le PPA-CI (Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire), dirigé par l’ex-président Laurent Gbagbo, a multiplié les rassemblements pour dénoncer la candidature du président sortant, Alassane Ouattara, pour un quatrième mandat – une candidature que l’opposition qualifie d’illégitime.
Les rassemblements ont donné lieu à de violents affrontements avec les forces de l’ordre, et selon le PPA-CI, au moins deux personnes sont mortes, dont un enfant de deux ans à Abié, dans le département d’Adzopé, victime d’asphyxie due aux gaz lacrymogènes.
Le parti évoque également un bilan provisoire de 30 blessés et plus de 700 arrestations, parmi lesquelles 65 personnes ont été placées sous mandat de dépôt à la prison d’Abidjan (ex-MACA).
Appels à la retenue et à la justice
Face à cette escalade, le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) a réagi dans un communiqué adressé à la presse vendredi. L’institution appelle les acteurs politiques à la retenue et à privilégier les voies légales d’expression, tout en exhortant l’État à garantir le droit à la vie et à la sécurité de tous les citoyens.
Le CNDH demande également l’ouverture d’enquêtes sur toutes les atteintes aux droits humains rapportées dans le cadre de ces troubles, et en appelle à un retour au dialogue pour préserver la paix sociale et les acquis démocratiques du pays.
Une interdiction controversée à l’approche du scrutin
Si les autorités justifient cette mesure par la nécessité de préserver l’ordre public dans un contexte sensible, plusieurs voix dans la société civile dénoncent une atteinte grave à la liberté de réunion et d’expression, garanties par la Constitution ivoirienne.
Des organisations de défense des droits humains, en Côte d’Ivoire comme à l’international, craignent que cette interdiction ne soit utilisée pour museler l’opposition, alors que les campagnes s’intensifient à l’approche du scrutin.
La suspension des manifestations politiques en Côte d’Ivoire jusqu’en décembre intervient dans un contexte électoral crispé, où chaque décision des autorités est scrutée à la loupe. Si elle vise officiellement à favoriser un climat apaisé, cette mesure risque de raviver les tensions si elle est perçue comme une manœuvre de verrouillage du débat démocratique.