THIEYSENEGAL.com : Le travail a toujours inspiré les philosophes, penseurs et politiques. C’est ainsi que le philosophe Voltaire disait « le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin ». Face aux nombreuses victimes de l’émigration clandestine avec la recrudescence du phénomène « Barça wala Barçax », les mots ne suffisent plus pour venir à bout des maux de cette jeunesse. Des réponses stratégiques doivent être proposées à ces jeunes.
Au Nord aussi bien qu’au Sud, la jeunesse est au centre des débats. Dire que nos pays ne brillent pas pour leurs performances en termes de création d’emplois durables est un euphémisme. La question de l’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne et les conséquences qui peuvent en découler constituent une préoccupation à tous les niveaux de décision.
En plus, l’on perd son latin avec le jargon des experts lorsqu’il s’agit de parler de l’emploi des jeunes : « renforcer l’employabilité des jeunes », « investir dans la jeunesse », « plan d’action pour les jeunes », « créer des emplois décents » …. et lorsque les politiques s’en mêlent la cacophonie s’installe dans l’esprit du jeune sénégalais lambda qui se cherche.
Le constat des statistiques est implacable ! L’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) est formelle : la répartition par groupe d’âges de la population sénégalaise en âge de travailler, c’est-à-dire celle âgée de 15 ans ou plus, fait ressortir son caractère jeune et féminin. Autrement dit, près de 300 000 jeunes entrent sur le marché du travail chaque année.
Si les obstacles structurels qui empêchent de longue date les jeunes sénégalais d’obtenir des emplois décents ne sont pas éliminés maintenant, c’est le soutien politique en faveur de la transition vers une société stable, plus juste, inclusive et démocratique prônée par l’autorité qui risque d’être compromis pour encore des générations. Pour dire que si une proportion importante de jeunes n’arrivent pas à trouver de l’emploi, la société perd une ressource importante pour la croissance inclusive.
Nonobstant que le taux de chômage des jeunes dans le monde ne cesse d’augmenter selon le dernier rapport de l’Organisation Internationale du Travail (Tendances mondiales de l’emploi des jeunes 2020: La technologie et l’avenir des emplois), des politiques cohérentes doivent être mises en place.
Loin, à travers ces lignes, de faire le bilan ou d’apprécier les politiques nationales d’emplois initiées depuis les indépendances, mais nous pouvons objectivement constater qu’elles n’ont pas pu résorber le chômage des jeunes.
Face aux défis que constituent le chômage et le sous-emploi des jeunes, le Gouvernement sous le magistère du Président Macky SALL avec l’appui des partenaires techniques et financiers a pris un ensemble de mesures et a mis en œuvre un certain nombre de programmes agricoles au cours de ces dernières années avec le Plan Sénégal Émergent (PSE).
Dans la perspective de la mise en place du Conseil National pour l’Insertion et l’Emploi des Jeunes (CNIEJ), l’espoir est permis.
Toutefois, l’asymétrie d’informations fait que les jeunes et le public n’ont aucune visibilité des opportunités et des initiatives innovantes mises en place. Une meilleure communication autour des programmes d’investissement et aux fonds innovants dans le secteur agricole s’impose afin de combler le déficit d’informations.
En effet, depuis la première phase du PSE déclinée dans le Programme de relance et d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (PRACAS), un des objectifs majeurs définis par le Président Macky SALL est de créer un grand nombre d’emplois agricoles et non-agricoles, notamment pour les jeunes.
Cette vision éclairée du Président de la République est renouvelée dans le Plan d’Action Prioritaire Ajusté et Accéléré (PAP2A) en utilisant l’agriculture comme l’un des secteurs moteur de la relance économique et sociale car jouant un rôle déterminant dans la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire et la création d’emplois.
Toutes ces politiques concourent à créer un environnement propice à l’impulsion de l’entreprenariat des jeunes centré sur l’auto-emploi et leur employabilité durable en proposant des réponses à la lancinante question de la triptyque des « 3F » à savoir l’accès au Foncier, la Formation adaptée et le Financement.
Malgré les nombreuses contraintes de l’agriculture sénégalaise, ce secteur est stratégique et constitue une priorité pour le Gouvernement au-delà même des objectifs fixés par les engagements de Maputo 2003 et la déclaration de Malabo en 2014 avec un soutien sans commune mesure à faire de l’agriculture familiale et des exploitations familiales les moteurs de la transformation de l’économie rurale.
Ainsi, pour venir à bout de cette asymétrie d’informations, les programmes phares entrepris par la tutelle doivent être vulgarisés auprès des jeunes. Entre autres :
- Le projet d’appui à l’insertion des jeunes ruraux agri-preneurs (AGRI-JEUNES) dont les axes d’intervention visent à promouvoir l’inclusion socioprofessionnelle des jeunes ruraux dans les exploitations familiales et les activités rentables, créatrices de revenus et d’emplois décents et durables dans les chaines de valeur agro-sylvo-pastorales et halieutiques. Le coût global du projet s’élève à 54,101 milliards FCFA pour une durée de six ans. Le projet intervient dans les Niayes, le Bassin Arachidier, la Zone Sylvopastorale, la Basse et Moyenne Casamance et ayant comme cibles des Jeunes ruraux âgés de 15 à 35 ans.
- Le projet d’intensification éco-soutenable de l’agriculture dans la zone des Niayes (PIESAN) contribue à atteindre la sécurité alimentaire et le développement rural du Sénégal par l’adoption et le renforcement d’une agriculture durable et rentable dans la zone éco géographique des Niayes dans une logique de prise en compte du genre. D’une durée de trois ans, cette initiative vise à développer, entre autres, des activités de promotion de l’emploi des jeunes et des femmes. C’est ainsi qu’avec un financement de six Milliards de Francs CFA, plusieurs milliers d’emplois seront créés dans le secteur horticole, un domaine à hauteur valeur ajoutée.
- Le projet de valorisation des eaux pour le développement des chaines de valeur (PROVAL – CV) dont les axes d’intervention contribuent à asseoir une croissance économique forte, inclusive et durable et à l’amélioration des conditions de vie des populations rurales. Sur le plan spécifique, le projet vise à augmenter durablement les productions agricoles, les emplois et les revenus en milieu rural à travers la mobilisation des eaux de surface et des eaux souterraines. Avec un coût global de 80 milliards FCFA pour une durée de cinq ans, le projet intervient au niveau des régions de Diourbel, Fatick, Kaffrine, Kaolack, Kolda, Sédhiou, Thies, Ziguinchor avec un accent sur l’Entreprenariat rural par la création de 5 000 PME/PMI.
- Le Projet d’appui au développement agricole et à l’entreprenariat rural – Phase 2 (PADAER II)vise l’évolution progressive des exploitations agricoles familiales et des organisations de producteurs (OP), d’une situation de production pour l’autoconsommation, vers une agriculture durable, résiliente et rentable orientée vers le marché. Le projet intervient dans les régions de Matam, de Tambacounda, de Kédougou et de Kolda pour un coût global de 48,56 Milliards de Francs CFA pour une durée de six ans.
Parallèlement à ces programmes, les jeunes bénéficient aussi de l’appui de l’Agence Nationale d’Insertion et de Développement Agricole (ANIDA) à travers la réalisation des fermes agricoles familiales intégrées « Naatangué » et le « waar wi » (bloc de 10 fermes familiales) et fermes villageoises « Naatangué » (2 à 100 ha).
De même, le Programme des Domaines Agricoles Communautaires (PRODAC) sous tutelle du Ministère en charge de la jeunesse constitue un cadre d’insertion de jeunes ruraux ainsi que des diplômés issus des écoles de formation dans les activités aquacoles, avicoles, agricoles et la chaine de valeur de la transformation et de la commercialisation avec la mise en valeur de grands domaines allant de 1 000 à 5 000 ha pour les jeunes désireux d’investir dans le secteur.
In fine, la vision du Gouvernement depuis 2012 est de promouvoir l’agriculture comme un business afin que toutes les chaines de valeur du secteur soient un gagne-pain pour les jeunes et femmes agri-preneurs.
En dépit de ces initiatives encourageantes, il faut se garder de tout excès d’optimisme. Il y a encore beaucoup à faire pour parvenir au plein emploi durable et inclusif, à même d’ouvrir aux jeunes les perspectives qu’ils attendent à juste titre.
D’où la nécessité de réformer ! Dans cette perspective, il est évident qu’il faudra veiller à ce que les programmes opérationnels soient cohérents dans leur mise en œuvre. A ce titre, des réformes profondes sont nécessaires afin d’intégrer le PRODAC au Ministère de l’Agriculture et de l’Equipment rural pour en faire une agence unique avec l’ANIDA. Ceci permettra non seulement de rationaliser les ressources et évitera surtout des redondances. Aussi, en perspective de la mise en place du Conseil National pour l’Insertion et l’Emploi des Jeunes (CNIEJ), il est important de prévoir un guichet unique du secteur agricole afin d’endiguer définitivement le financement et la promotion durable de l’emploi des jeunes.
Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que l’économie est en mouvement avec la digitalisation. Avec l’écosystème propice au développement des technologies agricoles de rupture et de l’agriculture numérique mis en place par le Gouvernement dans le cadre de la stratégie « Sénégal numérique 2016 – 2025 », les jeunes ne doivent pas être laissés en rade.
Ainsi, des initiatives sont en cours aussi bien au niveau des startups agricoles qu’au niveau des structures sous tutelle. A ce propos, pour un conseil agricole rénové à l’heure du numérique, l’l’Agence Nationale du Conseil Agricole et Rural (ANCAR) dans le développement de son projet de E-Conseil à travers l’initiative intitulée Services Agricoles et Inclusion Digitale en Afrique (SAIDA) déploie auprès des producteurs une plateforme et des applications mobiles pour faciliter leur prise de décision, l’exploitation de leurs fermes et leur connexion aux marchés.
Pour dire qu’un nouveau modèle économique est en cours d’émerger au sein de tous les secteurs y compris l’agriculture. D’où un impératif de capacité d’innovation des jeunes pour saisir les opportunités dans ce domaine avec son corollaire de nouvelles formes d’emplois.
Par Boubacar DRAME
Conseiller Technique – Ministère de l’Agriculture et de l’Équipement Rural.
