Activités politiques interdites à Biram Dah Abeid au Sénégal : Entre pression diplomatique et liberté d’expression
THIEYSENEGAL.com : Le Sénégal se retrouve au cœur d’un débat délicat mêlant diplomatie régionale et droits fondamentaux. Ce samedi, le député mauritanien et militant des droits humains Biram Ould Dah Abeid, figure centrale de la lutte contre l’esclavage en Mauritanie, a été convoqué par le ministre sénégalais de l’Intérieur, Jean Baptiste Tine, qui lui a notifié l’interdiction formelle de toute activité politique sur le territoire sénégalais.
Cette décision fait suite à des plaintes officielles des autorités mauritaniennes, qui reprochent à l’opposant d’avoir tenu à Dakar des propos considérés comme « violents » et de nature à « inciter à la haine ». Des accusations que l’intéressé réfute fermement.
« On m’a clairement signalé de cesser mes activités. Ils m’ont informé qu’ils avaient reçu des complaintes du régime mauritanien, m’accusant d’avoir tenu un discours violent incitant à la violence, ce que je n’ai jamais fait », a déclaré Biram Dah Abeid sur les ondes de la RFM.
Une figure internationale des droits humains réduite au silence
Biram Dah Abeid n’est pas un inconnu. Président de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), il est internationalement reconnu pour son combat contre l’esclavage en Mauritanie, où il a été plusieurs fois emprisonné. Lauréat de plusieurs distinctions internationales, dont le Prix des droits de l’homme des Nations unies (2013), il est considéré par de nombreuses ONG comme l’un des plus grands défenseurs de la dignité humaine sur le continent africain.
Face à cette mesure, il a rappelé son attachement aux relations entre Dakar et Nouakchott, tout en regrettant une décision qu’il qualifie de « tentative d’intimidation par procuration ».
« Je suis sans doute la figure la plus réprimée d’Afrique francophone et d’Afrique du Nord. (…) Nous n’avons jamais œuvré à compromettre les liens entre la Mauritanie et le Sénégal », a-t-il insisté.
Liberté d’expression versus souveraineté diplomatique ?
Si les autorités sénégalaises n’ont pas officiellement commenté la décision, celle-ci soulève déjà de vives critiques dans les milieux des droits humains. Plusieurs organisations estiment que l’interdiction faite à Biram Dah Abeid viole le principe de liberté d’expression, en particulier lorsqu’aucune incitation avérée à la violence n’a été prouvée.
Pour les observateurs, cette affaire met en lumière les limites de la solidarité panafricaine lorsque celle-ci se heurte aux réalités diplomatiques. Le Sénégal, réputé pour être un refuge de nombreux activistes africains, semble cette fois avoir préféré ménager ses relations bilatérales avec la Mauritanie.
Une décision aux conséquences politiques durables ?
Ce précédent pourrait affecter l’image du Sénégal sur la scène internationale, en particulier auprès des institutions de défense des droits humains. Il relance également le débat sur l’accueil des exilés politiques et le rôle des pays d’accueil dans la préservation des libertés fondamentales.
Pour l’heure, Biram Dah Abeid reste à Dakar mais affirme qu’il ne renoncera pas à son engagement. « Nous continuerons le combat, par la parole, le droit et la justice. »
La rédaction de THIEYSENEGAL.com