Bras de fer énergétique : Woodside défie l’État du Sénégal devant le CIRDI pour un redressement fiscal de 40 milliards

0

THIEYSENEGAL.com : Le différend fiscal entre le géant pétrolier australien Woodside Energy et l’État du Sénégal prend une tournure internationale. Contestant un redressement fiscal de 40 milliards de francs CFA émis par la Direction générale des Impôts et des Domaines (DGID), la compagnie a officiellement saisi le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), organe arbitral relevant de la Banque mondiale.

Un contentieux de plus en plus tendu

C’est en juillet 2024 que les autorités fiscales sénégalaises ont notifié à Woodside un redressement fiscal portant sur des opérations liées à l’exploitation du champ pétrolier de Sangomar, situé au large de Dakar. Ce projet, stratégique pour le pays, est mené en partenariat avec la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen), mais piloté par l’australien Woodside, qui détient 82 % des parts.

La réponse de la multinationale a été ferme : elle rejette catégoriquement toute irrégularité et soutient avoir respecté l’ensemble des obligations fiscales en vigueur. Dans un communiqué publié fin 2024, Woodside a dénoncé ce qu’elle considère comme une « interprétation unilatérale et rétroactive » des règles fiscales.

Échec des voies internes, l’internationalisation du litige

Initialement porté devant les juridictions sénégalaises, le dossier a stagné. Plusieurs reports successifs ont retardé le jugement sur le fond, tandis que la DGID, elle, n’a pas attendu : elle a procédé à la saisie conservatoire des comptes de Woodside Sénégal. L’entreprise a dû déposer des garanties bancaires pour obtenir la suspension des mesures de recouvrement forcé.

Face à l’enlisement judiciaire local, Woodside a décidé de franchir un cap : en mai 2025, elle a saisi le CIRDI, qui intervient en cas de conflit entre un État et un investisseur étranger, en vertu des conventions bilatérales de protection des investissements. L’argument de la firme australienne : l’État sénégalais aurait violé les termes de son engagement de sécurité juridique vis-à-vis des opérateurs internationaux.

Un dossier à forte charge politique

Ce bras de fer intervient dans un contexte politique nouveau. Depuis l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye, les autorités sénégalaises ont exprimé leur volonté de réévaluer les contrats pétroliers, gaziers et miniers jugés déséquilibrés ou peu favorables aux intérêts nationaux. Une commission de renégociation des contrats extractifs a d’ailleurs été mise sur pied, renforçant la posture offensive de l’État.

Pour plusieurs observateurs, le redressement imposé à Woodside pourrait s’inscrire dans cette dynamique plus large de reprise en main de la souveraineté économique. Mais pour les investisseurs étrangers, cette évolution soulève des inquiétudes sur la stabilité de l’environnement des affaires.

Quelles conséquences pour le projet Sangomar ?

Alors que le début de la production pétrolière du champ de Sangomar est prévu pour mi-2025, ce litige pourrait jeter une ombre sur le calendrier et la relation entre les partenaires du projet. Selon des sources proches du dossier, les discussions avec Petrosen se poursuivent en parallèle, mais dans une atmosphère rendue plus tendue par la procédure engagée au CIRDI.

L’arbitrage international engagé par Woodside marque une escalade dans un dossier emblématique des enjeux post-boom pétrolier au Sénégal. À mesure que le pays se rapproche de l’exploitation de ses ressources offshore, cette affaire illustre le délicat équilibre entre exigence de justice fiscale et nécessité de préserver la confiance des investisseurs.

La rédaction de THIEYSENEGAL.com

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.