CORED : Silence forcé pour le gendarme de la déontologie médiatique au Sénégal

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THIEYSENEGAL.com : Privé de financements publics depuis deux exercices, le Conseil pour l’Observation des Règles d’Éthique et de Déontologie dans les médias (CORED) a suspendu ses activités. Une situation critique qui menace l’équilibre du système d’autorégulation de la presse sénégalaise.

Le CORED a officiellement fermé ses bureaux à la Maison de la Presse Babacar Touré, invoquant une incapacité persistante à couvrir ses charges de fonctionnement. Dans un communiqué publié le 25 juin 2025, l’organe d’autorégulation des médias a annoncé « la suspension jusqu’à nouvel ordre » de ses activités administratives, un coup dur pour la régulation éthique dans un contexte médiatique déjà fragilisé.

Le personnel permanent, qui n’a pas perçu de salaire depuis 14 mois, a poursuivi ses missions dans des conditions extrêmes avant que la structure ne soit contrainte de jeter l’éponge. Le CORED n’a pas reçu le moindre décaissement du Fonds d’appui et de développement de la presse (FADP) pour les années 2024 et 2025, contrairement à ce que stipulent les articles 46 et 53 du Code de la presse.

« Nous avons épuisé toutes les ressources disponibles. Le personnel a fait preuve d’un engagement remarquable, mais la situation est devenue intenable », déplore un membre du bureau.

Un vide inquiétant dans le dispositif de veille médiatique

Créé en 2008, puis consolidé par le Code de la presse adopté en 2017, le CORED est censé jouer un rôle de « garde-fou éthique » dans l’univers médiatique sénégalais. Il instruit les plaintes du public, sanctionne les manquements à la déontologie journalistique, et publie des avis censés renforcer la crédibilité de la presse.

Mais sans budget opérationnel ni autonomie financière, l’institution peine à faire face à ses obligations. Si le Bureau, le Directoire et le Tribunal des pairs continuent d’exister grâce à l’engagement bénévole de leurs membres, l’arrêt du Secrétariat permanent bloque toute activité administrative et rend quasi impossible le traitement des dossiers.

Des promesses sans suite de l’État ?

Le CORED rappelle que son budget est prévu par la loi, et que l’État est censé garantir un financement annuel via le FADP. « Nous n’avons pas été intégrés dans les lignes budgétaires en 2024, et aucune visibilité n’est donnée pour 2025 », précise un document interne.

Dans une tribune parue plus tôt cette année, le président du CORED, Daouda Mine, appelait déjà à une clarification du soutien public aux organes de régulation. Il y dénonçait une gestion opaque du Fonds d’appui, pourtant alimenté par l’État et destiné à accompagner le développement du secteur.

Des conséquences au-delà du CORED

La suspension des activités du CORED laisse un vide dans le dispositif d’autorégulation sénégalais. Elle affaiblit la chaîne de responsabilité dans les médias et limite la capacité du public à faire valoir ses droits face aux dérives informationnelles. Dans un contexte où la prolifération de fausses nouvelles, de contenus diffamatoires et de violations de la vie privée est de plus en plus fréquente, l’absence d’un organe régulateur actif risque d’exacerber la défiance envers les médias.

« Le CORED est essentiel pour encadrer la pratique du journalisme. Sa mise à l’arrêt est un recul démocratique », s’alarme un professionnel du secteur, sous couvert d’anonymat.

Quelle suite pour l’autorégulation ?

Faute de moyens, le CORED suspend donc ses activités, mais non sa mission. Les membres bénévoles du Tribunal des pairs assurent qu’ils restent mobilisés pour toute saisine jugée urgente. Toutefois, sans appui financier stable, l’avenir de l’institution demeure incertain.

Le cas du CORED soulève plus largement la question de la gouvernance des médias au Sénégal : quelle indépendance pour les organes de régulation si leur survie dépend uniquement de la volonté politique ?

Encadré : Le CORED en chiffres

  • Année de création : 2008 (officiellement reconnu par le Code de la presse en 2017)

  • Mission principale : Veille éthique, médiation entre public et médias, arbitrage déontologique

  • Effectifs : Personnel permanent suspendu – organes statutaires bénévoles

  • Financement prévu : Fonds d’appui et de développement de la presse (FADP)

  • Nombre de décisions rendues depuis 2017 : Plus de 40 avis et mises en garde

 

La rédaction de THIEYSENEGAL.com 

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