Crise de confiance dans le secteur bancaire sénégalais : 800 milliards de créances douteuses freinent le crédit aux PME

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THIEYSENEGAL.com : L’alerte est sérieuse. Le secteur bancaire sénégalais est confronté à un niveau préoccupant de créances douteuses, estimé à près de 800 milliards de francs CFA, a révélé Sahid Yallou, Directeur général d’Ecobank Sénégal, lors d’un panel tenu dans le cadre des Assises des entreprises du Conseil national du patronat (CNP).

Selon l’expert financier, près de 10 % des crédits octroyés par les banques ne sont pas remboursés dans les délais réglementaires de 90 jours, et sont donc automatiquement classés comme « douteux ». « Cela signifie qu’environ 10 francs sur 100 prêtés sont compromis », a-t-il illustré, pointant un niveau de risque systémique pour les établissements de crédit.

Les banques se ferment aux risques… des autres

Ce climat incertain pousse les banques à restreindre l’accès au crédit, notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME) qui représentent pourtant le cœur du tissu économique sénégalais. Résultat : seules les entreprises jugées « solvables » ou « fortement capitalisées » parviennent à décrocher un financement, ce qui alimente une perception grandissante que les banques « ne prêtent qu’aux riches ».

« Ce n’est pas une question de préférence, mais de sécurité financière », explique un cadre bancaire ayant requis l’anonymat. « Les banques sont tenues par la réglementation prudentielle de limiter leur exposition aux risques non maîtrisés, surtout en l’absence de garanties solides ».

Des retards qui paralysent l’activité

Autre point d’alerte évoqué : la lenteur des décaissements. Certains crédits sollicités en 2024 ne sont encore débloqués qu’en 2025, un délai jugé incompatible avec les besoins urgents de financement exprimés par les entreprises locales.

Ce phénomène est en partie lié aux exigences croissantes de conformité, mais aussi à la fragilité des dossiers présentés, souvent marqués par un manque d’informations fiables ou d’historique financier clair.

Un appel à l’État pour rétablir la confiance

Face à ce constat, Sahid Yallou appelle l’État sénégalais à jouer un rôle de facilitateur, notamment en renforçant les outils d’évaluation du risque et en promouvant la transparence financière dans les entreprises.

Il rappelle que 90 % des investissements au Sénégal sont financés par les banques commerciales, soulignant leur rôle stratégique dans la croissance du pays. « Il faut aligner les demandes de crédit sur la réalité des flux de trésorerie des entreprises. Le crédit ne peut pas être une avance sur espoir », prévient-il.

Le Sénégal n’est pas un cas isolé. Dans l’ensemble de l’UEMOA, le taux de créances douteuses dépasse les 10 % dans plusieurs pays, selon les derniers chiffres de la BCEAO. Un seuil critique pour la stabilité financière régionale, qui pousse les banques à resserrer davantage les conditions d’octroi de crédit.

Ce chiffre de 800 milliards de francs CFA de créances douteuses est plus qu’un signal d’alerte : c’est un signe clair d’un modèle de financement en quête de réforme, où la gestion du risque doit impérativement se moderniser. Le paradoxe est frappant : alors que l’accès au financement est souvent cité comme le principal frein à la croissance des entreprises, le système bancaire reste englué dans un dilemme entre prudence légitime et blocage du développement.

La rédaction de THIEYSENEGAL.com

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