Diplomatie sénégalaise sous tension : Yassine Fall dans la tourmente face aux critiques et aux revers internationaux
THIEYSENEGAL : Depuis la formation du nouveau gouvernement de Bassirou Diomaye Faye, l’une des figures les plus exposées reste Yassine Fall, ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères. Portée par une volonté de rupture diplomatique, marquée par le panafricanisme et la souveraineté, la diplomatie sénégalaise peine pourtant à faire valoir son nouveau cap. En témoignent les nombreuses critiques qui fusent ces dernières semaines, autant dans les coulisses du pouvoir que dans les médias spécialisés, notamment dans un article publié ce jour par Jeune Afrique.
Des échecs symboliques au niveau international
Le début du mandat de la ministre Fall coïncide avec une série de déconvenues diplomatiques sur la scène continentale. La candidature d’Amadou Hott à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), celle d’Ibrahima Socé Fall à la tête du bureau Afrique de l’OMS, ou encore l’échec d’Augustin Senghor pour un siège exécutif à la Confédération africaine de football (CAF) ont été perçus comme autant de revers, là où le Sénégal affichait jusqu’ici une certaine influence diplomatique.
À cela s’ajoute la perte, plus politique que protocolaire, de la présidence tournante de la CEDEAO, pour laquelle le président Diomaye Faye était pourtant considéré comme favori. « Ces échecs successifs illustrent un affaiblissement de notre réseau diplomatique », confie un ancien ambassadeur sénégalais sous couvert d’anonymat.
Au cœur des critiques : des choix jugés hasardeux dans la gestion des ressources humaines du ministère. Plusieurs diplomates chevronnés ont été mutés à la tête de consulats généraux, parfois sans réelle connaissance du terrain local, suscitant l’incompréhension parmi les professionnels du corps diplomatique. « Un consul, c’est avant tout un acteur de terrain. Quand il est parachuté sans connaître les réalités de la communauté sénégalaise locale, il devient inaudible », explique un ancien cadre du ministère.
En réponse, la ministre Fall a tenté de rectifier le tir en nommant des consuls généraux adjoints issus de la diaspora. Une décision saluée dans certains cercles, mais jugée insuffisante par d’autres. Des critiques sont aussi formulées autour du redéploiement de certains diplomates loin de leurs zones d’expertise, perçu comme une perte de cohérence stratégique.
Accusations de népotisme
Autre dossier sensible : la nomination de Sophie Nzinga Sy, fille de la ministre, à la tête de l’Agence pour la promotion et le développement de l’artisanat (APDA). L’affaire, révélée peu après l’arrivée au pouvoir du duo Diomaye-Sonko, avait alimenté les accusations de népotisme, ternissant l’image d’une équipe pourtant élue sur la promesse d’une gouvernance éthique.
Un climat diplomatique plombé par des postures politiques ?
Si Yassine Fall est la cible directe des critiques, certains analystes estiment que la ministre paie également les choix politiques de l’exécutif, notamment les prises de position tranchées d’Ousmane Sonko, Premier ministre. Ce dernier n’a pas hésité à critiquer frontalement la France, les États-Unis, ou encore les institutions financières internationales comme le FMI ou la Banque mondiale. « Ce ton populiste, s’il plaît à une partie de l’opinion, complique nos relations bilatérales », estime Modou Diagne Fada, figure de l’opposition et ancien ministre sous Macky Sall.
Les récentes tentatives de rapprochement avec les régimes militaires du Sahel, comme le Burkina Faso ou le Mali, suscitent aussi des interrogations quant à la lisibilité de la ligne diplomatique sénégalaise, dans un contexte sous-régional déjà sous haute tension.
Yassine Fall, militante panafricaine de longue date et ancienne cadre de l’ONU, n’a pas encore répondu officiellement à ces critiques. Mais plusieurs proches assurent qu’une réorganisation est en cours au sein du ministère. Reste à savoir si elle suffira à rassurer les partenaires et à redonner de la crédibilité à la diplomatie sénégalaise.
La ministre joue gros : entre aspirations idéologiques et exigences de réalisme diplomatique, son bilan pèsera lourd dans la crédibilité du projet de refondation porté par Diomaye Faye et Ousmane Sonko.
La redaction de Thieysenegal.com