Fin d’une ère : Le Sénégal reprend le camp de Ouakam, dernière base militaire française dans le pays
THIEYSENEGAL.com : Ce jeudi matin, une page majeure de l’histoire militaire franco-sénégalaise s’est définitivement tournée. À Ouakam, dans la banlieue nord de Dakar, le camp Geille — plus grande base militaire française en Afrique de l’Ouest — a été officiellement remis aux autorités sénégalaises, marquant la fin de la présence militaire permanente française au Sénégal après plus de 120 ans.
Sous une chaleur dense et une sécurité renforcée, la cérémonie s’est tenue dans une atmosphère solennelle mais empreinte de retenue. Le général Pascal Ianni, représentant de l’état-major français, a formellement acté la restitution du site. « Cette étape marque un changement, mais pas une rupture. La coopération entre nos deux armées reste un pilier essentiel », a-t-il déclaré, tout en reconnaissant un tournant stratégique inévitable.
Le camp Geille, fondé en 1920 et initialement utilisé comme base de l’aéropostale avant de devenir un centre de commandement militaire, incarnait depuis des décennies la profondeur du partenariat militaire franco-sénégalais. Ce départ clôt l’histoire des Éléments Français au Sénégal (EFS), force composée de 350 soldats français chargés de la coopération opérationnelle avec les Forces armées sénégalaises.
Mais au-delà du protocole et des déclarations officielles, l’événement porte une charge géopolitique lourde. Comme au Mali, au Burkina Faso, en Centrafrique ou au Niger, le Sénégal rejoint la liste croissante des pays africains exigeant un redimensionnement, voire un retrait, des présences militaires occidentales. Si le Sénégal n’a pas exprimé la même hostilité ouverte que d’autres pays d’Afrique francophone, la pression populaire et régionale sur la souveraineté sécuritaire a incontestablement influencé cette décision.
Dans un discours sobre, le ministre sénégalais des Forces armées, Sidiki Kaba, a salué « un moment de souveraineté retrouvée » tout en réaffirmant l’attachement du Sénégal à une coopération militaire multilatérale et équilibrée. « Le Sénégal reste ouvert à des partenariats stratégiques, mais dans le respect strict de sa souveraineté et de ses priorités nationales », a-t-il insisté.
Historiquement, le Sénégal a joué un rôle clé dans la projection militaire française en Afrique de l’Ouest. Le pays a accueilli plusieurs bases depuis la colonisation, et a longtemps été un point d’appui logistique et opérationnel pour les opérations françaises sur le continent. Depuis 2011, les EFS avaient remplacé les Forces françaises du Cap-Vert, en se recentrant sur la formation et l’entraînement des forces locales.
La fermeture du camp Geille, qui intervient dans un contexte de redéploiement général des troupes françaises hors du Sahel, est perçue par certains analystes comme un symbole de la fin de l’« empire militaire » français en Afrique. Le retrait s’inscrit aussi dans la lignée des déclarations du président Emmanuel Macron, qui avait annoncé, dès 2023, une « réorganisation profonde » du dispositif militaire français en Afrique, appelant à une logique de partenariats égalitaires plutôt que de présence durable.
Pour les autorités sénégalaises, la récupération du site de Ouakam n’est pas une rupture des liens avec la France, mais bien une reprise en main de leur autonomie stratégique. Le camp, qui sera désormais occupé par les Forces armées sénégalaises, devrait faire l’objet d’une réhabilitation pour servir les priorités nationales de défense.
Ce 17 juillet 2025 ne marque pas seulement la fin d’une présence militaire. Il consacre une nouvelle dynamique des relations franco-africaines, plus équilibrée, plus respectueuse, et centrée sur la souveraineté des États. Le Sénégal, tout en conservant des liens étroits avec ses partenaires traditionnels, affirme désormais plus clairement sa volonté de prendre en main sa propre sécurité. Un signal fort dans une Afrique en pleine recomposition stratégique.
La rédaction de THIEYSENEGAL.com