THIEYSENEGAL.com : Le Conseil constitutionnel sénégalais a censuré, ce mercredi 23 avril, l’article premier de la loi interprétative de la loi d’amnistie, estimant que celui-ci ouvrait la voie à une impunité inacceptable au regard du droit international.
Dans une décision aussi attendue que décisive, les Sages de la rue de la République ont invalidé une partie clé de la loi interprétative adoptée le 2 avril dernier. Ce texte, porté par le député Amadou Ba, avait pour ambition d’éclaircir la portée de la loi d’amnistie votée en décembre 2024, dans un contexte de décrispation politique préélectorale. Mais le Conseil constitutionnel a tranché : son article premier, en ce qu’il incluait certains crimes internationaux graves dans le champ de l’amnistie, est contraire à la Constitution.
Une ligne rouge franchie
Dans son analyse, le Conseil souligne que « les faits tenus pour criminels d’après les règles du droit international, notamment l’assassinat, le meurtre, le crime de torture, les actes de barbarie, les traitements inhumains, cruels ou dégradants » ne peuvent être couverts par une amnistie, même lorsqu’ils s’inscrivent dans le cadre de l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique.
En clair : nul ne peut invoquer la démocratie pour justifier des crimes imprescriptibles. Le Conseil invoque ici les engagements internationaux à valeur constitutionnelle du Sénégal, notamment ceux issus du Statut de Rome ou de la Charte africaine des droits de l’homme.
Une loi au cœur d’un moment politique
Adoptée par 126 voix contre 39 à l’Assemblée nationale, la loi interprétative avait pour objectif de préciser les contours de la loi d’amnistie de décembre 2024. Cette dernière, très controversée, avait permis la libération de plusieurs figures politiques emprisonnées, dont Bassirou Diomaye Faye, actuel président de la République, et son Premier ministre Ousmane Sonko.
Mais face aux critiques virulentes des ONG de défense des droits humains, qui craignaient une amnistie « à géométrie variable » couvrant de graves exactions, les législateurs avaient voulu poser des garde-fous. Le texte du 2 avril stipulait ainsi que les crimes les plus graves — assassinats, tortures, actes de barbarie — restaient exclus du bénéfice de l’amnistie.
Un flou juridique aux lourdes conséquences
Le problème, selon les juges constitutionnels, résidait dans une formulation ambiguë du second alinéa de l’article premier, qui ouvrait la porte à une interprétation extensive, autorisant malgré tout une forme d’impunité pour certains crimes majeurs, dès lors qu’ils étaient liés à l’exercice de libertés publiques. Une entorse inacceptable aux normes internationales, tranche le Conseil.
Le reste du texte validé
Dans son considérant 32, le Conseil précise n’avoir identifié aucun autre motif d’inconstitutionnalité. Autrement dit, seul l’alinéa problématique est annulé, laissant en vigueur le reste de la loi.
Cette décision marque une victoire pour les défenseurs d’une justice conforme aux standards internationaux, tout en laissant ouvertes les discussions sur les moyens de réconcilier stabilité politique et impératifs de justice.
La rédaction de THIEYSENEGAL.com