« Ousmane Sonko s’est trompé », clame l’ex-magistrat Ousmane Kane : une mise au point musclée sur la justice sénégalaise

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THIEYSENEGAL.com : L’ancien haut magistrat Ousmane Kane, naguère président de la Cour d’appel de Kaolack, ébranle les accusations récemment proférées par le Premier ministre Ousmane Sonko à l’encontre de certains juges. Dans une tribune adressée à L’Observateur, Kane assure que Sonko s’est « trompé » sur la prétendue inertie de la magistrature – un conflit de légitimité qui ravive les débats sur l’indépendance et la réforme de la justice au Sénégal.

Lors de son « téra-meeting », Sonko avait dénoncé des magistrats, promus sous l’ancien régime de Macky Sall, accusés de freiner les efforts de reddition de comptes initiés par le gouvernement actuel. Kane répond que ces accusations ne reflètent pas la réalité des faits :

« Depuis la première réunion du Conseil supérieur de la magistrature présidée par le président Bassirou Diomaye Faye, … tous les magistrats occupant des postes importants sous l’ancien régime ont été remplacés. »

L’ancien juge donne des exemples précis : selon lui, des nouveaux responsables ont été installés à des postes stratégiques — à la Cour suprême, à la Cour d’appel de Dakar, au Tribunal de grande instance de Dakar, ainsi qu’au Pool financier. Il conclut :

« Sauf si le ministre de la Justice s’est trompé dans son casting, aujourd’hui tous les postes sensibles de la magistrature sont occupés par des magistrats de son choix. »

Kane ne minimise pas pour autant les dysfonctionnements antérieurs. Il reconnaît que Sonko lui-même a été victime d’anomalies judiciaires :

Son procès en appel pour diffamation, où le ministère public aurait fait appel dans une affaire de droit privé.

Une « procédure accélérée inhabituelle » lors de ce procès.

Une aggravation de peine, passant de deux à six mois d’emprisonnement, transformant Sonko en inéligible.

Pour lui, ces faits justifient des critiques ; mais de là à accuser toute une institution, Kane appelle à la mesure : « Il aurait dû réformer en interne plutôt que de s’attaquer publiquement à un corps qu’il peut aujourd’hui influencer politiquement .»

Au-delà du débat sur les nominations, Kane élève aussi des réserves sur certaines réformes judiciaires majeures. Dans un entretien avec Saint-Louis Info, il critique la loi sur le Pool judiciaire financier, qu’il juge « un fourre-tout » : selon lui, cette structure concentre des compétences variées — corruption, blanchiment, trafic — sans disposer des magistrats spécialisés nécessaires.

Par ailleurs, il défend la présence du chef de l’État au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), estimant que le président Bassirou Diomaye Faye joue un rôle régulateur légitime.

Le propos de Kane peut être interprété comme une défense de la justice institutionnelle, mais aussi comme un avertissement : si des réformes sont nécessaires, leur portée doit dépasser les intérêts immédiats du pouvoir exécutif. Il appelle Sonko à s’appuyer sur son influence politique pour consolider les institutions au lieu de braquer le corps judiciaire.

À la veille de la prochaine session du Conseil supérieur de la magistrature, dont plusieurs mutations ont déjà été opérées, ses mots pourraient peser : entre enjeux de crédibilité, réformes urgentes et forte défiance, la justice sénégalaise se trouve à un moment charnière.

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