Sangomar sous tension : Woodside conteste un redressement fiscal de 41 milliards FCFA et saisit l’arbitrage international
THIEYSENEGAL.com : Un nouvel épisode tendu vient secouer le secteur stratégique des hydrocarbures au Sénégal. L’opérateur australien Woodside Energy, en charge du développement du champ pétrolier offshore Sangomar, a engagé une procédure d’arbitrage international contre l’État du Sénégal, contestant un redressement fiscal de 41,467 milliards de francs CFA infligé par la Direction générale des impôts et des domaines (DGID) en novembre 2023.
Alors qu’un contentieux judiciaire opposant les deux parties est toujours pendant devant le tribunal de Dakar, la compagnie australienne a choisi d’ouvrir un second front juridique, cette fois hors du territoire national, en recourant à un mécanisme d’arbitrage international début juin 2025. Une décision interprétée par certains observateurs comme un désaveu implicite du cadre judiciaire sénégalais, ou du moins, un moyen de protéger ses intérêts face à une issue jugée défavorable.
Le redressement concerne notamment des revenus financiers perçus par Woodside, tels que des intérêts bancaires et pénalités de retard, que la société estime réinvestis dans le projet Sangomar et donc exonérés d’impôt en vertu de l’article 48 du Code pétrolier sénégalais.
Selon l’interprétation de Woodside, cet article prévoit une exonération des impôts sur les revenus directement ou indirectement liés aux opérations pétrolières. L’entreprise soutient que cette exonération s’étend à tous les revenus utilisés pour le financement du projet, y compris les gains financiers.
La DGID, pour sa part, conteste fermement cette lecture du texte. Elle estime que les revenus en question n’entrent pas dans le champ des opérations pétrolières au sens fiscal strict, et qu’ils doivent donc être soumis à l’impôt sur les sociétés (IS) et à la TVA. L’administration fiscale précise également que les exonérations prévues par le Code pétrolier s’appliquent exclusivement aux dividendes distribués aux actionnaires, et non aux produits financiers d’exploitation.
La DGID accuse Woodside de non-conformité aux obligations fiscales, ce qui justifie, selon elle, la mise en œuvre du redressement et des mesures conservatoires engagées depuis 2024.
En juin 2024, une saisie conservatoire avait permis à l’État de recouvrer 1,4 milliard FCFA sur les comptes de Woodside logés à Citibank. En juillet de la même année, une garantie autonome bancaire a été exigée pour sécuriser le solde restant.
Cette stratégie montre que le fisc sénégalais n’entend pas reculer, même face à un géant international du secteur énergétique.
Woodside pourrait s’appuyer sur les clauses de règlement des différends prévues dans les contrats pétroliers ou les traités bilatéraux d’investissement, notamment le Traité sur la Charte de l’Énergie (TCE), dont l’Australie est signataire. En fonction du forum choisi, l’arbitrage pourrait se dérouler devant une instance comme le CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements), sous l’égide de la Banque mondiale.
Cette affaire intervient à un moment critique, alors que la première production de pétrole est attendue à Sangomar courant 2025, et que le gouvernement sénégalais cherche à renforcer la transparence et l’attractivité du pays pour les investissements étrangers. Mais ce contentieux de haute intensité met aussi en lumière les zones grises fiscales dans l’interprétation des codes spécifiques à l’industrie extractive.
Alors que la procédure judiciaire locale se poursuit, l’issue de ce bras de fer financier et juridique pourrait bien fixer un précédent décisif pour les futures relations entre l’État sénégalais et les opérateurs pétroliers internationaux.
La rédaction de THIEYSENEGAL.com