THIEYSENEGAL.com : L’annonce par le gouvernement sénégalais d’une taxe sur les transactions via mobile-money suscite déjà de vives inquiétudes dans les milieux économiques. Pour l’économiste-statisticien Babacar Gaye, cette mesure apparaît non seulement mal calibrée, mais également contre-productive pour l’inclusion financière que le pays s’efforce de promouvoir.
Une taxe qui arrive « au mauvais moment »
Le dispositif adopté par l’Assemblée nationale du Sénégal prévoit un prélèvement de 0,5 % sur les transactions et jusqu’à 1,5 % sur les paiements marchands via mobile-money. Pour Gaye, c’est précisément à un moment où le Sénégal fait « des avancées notoires » dans l’usage du mobile-money que cette taxe intervient, ce qui constitue selon lui « un dysfonctionnement dans le raisonnement économique ».
L’économiste anticipe une réaction prévisible : « Le client va être découragé de dire que moi je ne peux pas payer par mobile-money, je préfère payer cash ». Cette hypothèse est étayée par des retours d’expérience dans d’autres pays africains : en Tanzanie et en Ouganda, l’instauration d’une taxe sur les volumes de transactions a entraîné une forte baisse des opérations digitales.
Or, pour le Sénégal, ce recul serait doublement problématique : il compromettrait l’inclusion financière — un secteur où plus de 90 % des adultes ont recours au mobile-money.
Babacar Gaye rappelle que « avant d’instaurer une telle taxe, des études ex-ante pour mesurer l’impact réel auraient dû être menées ». Il estime que l’absence d’évaluation fine expose l’État à devoir faire machine arrière. « On va aller vers des jours assez sombres où il y aura […] des alertes sociales. » Il anticipe que face à la dégradation du pouvoir d’achat, la pression sociale grandira.
Gaye met aussi l’accent sur l’ambitieux projet de Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) : une plateforme régionale d’interopérabilité des paiements via mobile-money. Selon lui, cette innovation rendra plus visible et donc plus vulnérable une taxe sur les volumes. « Les mobiles money vont disparaître. Parce que la BCEAO, personne ne peut rivaliser avec elle », avertit-il.
Selon Gaye, l’État n’aura d’autre choix que de reculer face aux conséquences de cette taxe : « L’État sera obligé de faire un pas de recul pour revoir un peu cette mesure-là. » Il préconise que toute réforme fiscale dans ce secteur devienne un compromis entre mobilisation de recettes et préservation des acquis numériques.
La rédaction de THIEYSENEGAL.com