THIEYSENEGAL.com : Ce 1ᵉʳ décembre 2025, le Président Bassirou Diomaye Faye préside, pour la deuxième année consécutive, la cérémonie de commémoration du massacre de Thiaroye. Mais cette édition, qui marque le 81ᵉ anniversaire de l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire militaire africaine, se distingue par l’ampleur des révélations issues des fouilles archéologiques menées ces derniers mois.
Dans une démarche assumée de vérité et de justice, le Chef de l’État entend replacer dans la mémoire nationale l’histoire des tirailleurs tués pour avoir simplement réclamé leur dû.Une tragédie africaine, un devoir de vérité
Ils venaient de 17 pays d’Afrique — du Bénin au Cameroun, du Mali au Tchad, du Congo à Madagascar. Tous avaient combattu pour la libération de la France pendant la Seconde Guerre mondiale.
Au retour du front, à l’aube du 1ᵉʳ décembre 1944, ces tirailleurs, rassemblés à Thiaroye pour percevoir leurs soldes, ont été abattus sans sommation.
Le nombre exact des victimes demeure l’un des points les plus contestés de cette tragédie. Alors que la version coloniale maintenait le chiffre de 34 morts, des témoignages et archives africaines évoquent la présence de 1 200 à 1 800 soldats dans le camp.
Ce lundi, Bassirou Diomaye Faye revient sur ce lieu de mémoire chargé de silence et de douleur. Comme en 2024, il le fait non seulement pour commémorer, mais pour réclamer la vérité.
Il a demandé à la France la déclassification totale des archives relatives à Thiaroye, rappelant — lors de la remise du Livre blanc le 16 octobre 2025 — que
« la vérité historique ne se décrète pas, elle se découvre excavation après excavation, jusqu’à la dernière pierre soulevée ».
Dès son arrivée au pouvoir, le Président sénégalais a fait du 1ᵉʳ décembre une date fondamentale du calendrier national.
Lors du Conseil des ministres du 19 novembre, il affirmait :
« La commémoration du Massacre de Thiaroye et la Journée des Tirailleurs sénégalais sont des activités phares de l’agenda national. »
Depuis 2024, plusieurs mesures structurantes ont été lancées :
un mémorial en construction à Thiaroye ;
un centre de documentation et de recherche dédié aux tirailleurs ;
le baptême de rues et places portant désormais le nom de Thiaroye ;
l’intégration du massacre dans les programmes scolaires ;
la création de la Journée du Tirailleur, célébrée chaque 1ᵉʳ décembre.
Pour le Chef de l’État, il s’agit de redonner à ces soldats leur place dans l’histoire nationale et africaine, loin des récits tronqués et des silences imposés.
Les travaux de la sous-commission archéologie mandatée par la Commission « Massacre de Thiaroye » livrent des résultats sans ambiguïté — et accablants.
1. Des sépultures bien réelles
Les tombes examinées contiennent effectivement des corps, levant tout doute sur l’existence de victimes inhumées sur le site.
2. Un décalage flagrant entre tombes et corps
Les squelettes retrouvés :
sont en dehors du carré officiel,
ne correspondent pas à l’orientation indiquée par les stèles,
sont parfois regroupés, suggérant des enterrements collectifs.
Ces incohérences démontrent que les tombes visibles ont été aménagées après les inhumations, dans un souci de mise en scène.
Les archéologues ont observé des pratiques variées, incompatibles avec une procédure militaire uniforme. Cette diversité laisse penser à des morts multiples, sur plusieurs sites ou dans plusieurs circonstances.
Des insignes, épaulettes et décorations ont été retrouvés sur certains squelettes.
Ces objets confirment le statut militaire des victimes et contredisent les tentatives coloniales de les dépeindre comme des mutins incontrôlés.
Les restes portent des marques traumatiques sévères :
côtes manquantes,
colonnes vertébrales ou bassins absents,
corps incomplets,
un soldat retrouvé enchaîné,
un autre sans crâne.
Autant de signes d’exécutions violentes ou de traitements inhumains.
Certaines tombes comportent des coffrages en bois, un procédé inattendu pour des inhumations faites dans l’urgence.
Plusieurs hypothèses sont étudiées :
des tirailleurs morts ailleurs et transférés ;
la présence possible de dépouilles françaises enterrées parmi eux.
L’existence d’une fosse commune dissimulée, recouverte de 34 tombes factices ;
Une mise en scène coloniale visant à faire correspondre le nombre de tombes aux « victimes officielles ».
À Thiaroye, les voix se sont éteintes, mais la terre parle encore.
Pour Bassirou Diomaye Faye, la commémoration de 2025 n’est pas un simple devoir de mémoire : c’est un acte de justice.
Car tant que la vérité n’aura pas été exposée, la dignité des tirailleurs, elle, continuera de survivre « à toutes les balles tirées au petit matin de 1944 ».