THIEYSENEGAL : La ville sainte de Touba est une nouvelle fois confrontée à une urgence hydrique majeure, après la rupture brutale du bassin de rétention de Keur Kabb, survenue dans la nuit du 13 au 14 septembre. Sous la pression des pluies diluviennes qui se sont abattues sur la région, la digue du bassin a cédé, déversant des tonnes d’eaux pluviales non maîtrisées vers les quartiers environnants, notamment Ndock, Keur Niang et Darou Tanzil.
L’incident a ravivé la crainte d’un scénario catastrophe similaire à celui observé récemment à Pofdi, où un autre bassin avait cédé, provoquant des inondations massives et des évacuations d’urgence. À Touba, où la pression démographique se conjugue à un déficit chronique d’infrastructures, ce nouvel épisode met en lumière l’extrême vulnérabilité de la ville face aux aléas climatiques.
Une alerte ignorée, des conséquences redoutées
Selon des témoignages recueillis sur place, les habitants avaient alerté depuis plusieurs jours les autorités locales sur la montée inquiétante du niveau d’eau dans le bassin. Des signaux restés lettre morte. « On avait vu que l’eau débordait déjà, mais personne n’est venu. Maintenant, nos maisons sont inondées », déplore Amadou N., habitant de Keur Niang.
Les eaux se sont répandues rapidement, envahissant les rues, pénétrant dans les habitations précaires et menaçant de contaminer les puits domestiques, principale source d’approvisionnement en eau pour de nombreuses familles. Certaines zones se trouvent désormais en situation d’isolement, tandis que plusieurs familles ont été contraintes de fuir temporairement leurs logements.
La situation actuelle illustre l’inefficacité persistante des dispositifs de drainage et d’assainissement dans une ville qui, chaque année, fait face aux mêmes scénarios. Le manque de pompes de refoulement, l’entretien aléatoire des bassins de rétention et l’absence d’un système intégré de gestion des eaux pluviales rendent toute intervention difficile, voire illusoire.
L’Office National de l’Assainissement du Sénégal (ONAS), censé jouer un rôle clé dans la gestion de ces infrastructures, peine à répondre à l’urgence, faute de moyens logistiques suffisants. La Protection Civile, elle aussi sollicitée, tarde à déployer une réponse d’envergure.
Interrogé ce matin, un responsable municipal ayant requis l’anonymat reconnaît : « Le réseau de drainage de Touba est largement dépassé par les événements. Ce sont des ouvrages anciens, sous-dimensionnés, qui n’ont pas été conçus pour absorber les volumes d’eau que nous connaissons aujourd’hui. »
La situation actuelle pose une nouvelle fois la question de la résilience des villes religieuses à forte croissance comme Touba, où l’urbanisation galopante s’est développée en marge de toute planification rigoureuse. Classée commune à statut particulier, Touba échappe à certaines normes de gouvernance urbaine, ce qui complique la coordination des interventions étatiques.
Le Programme décennal de gestion des inondations (PDGI), lancé par l’État du Sénégal en 2012, avait pourtant pour ambition de corriger ces déséquilibres. Mais dix ans après, force est de constater que certaines zones comme Touba demeurent en marge de ces efforts, faute d’investissements durables et ciblés.
Sur les réseaux sociaux, la mobilisation prend de l’ampleur. De nombreuses vidéos montrent les dégâts occasionnés par la rupture du bassin, tandis que des appels à l’aide circulent, notamment pour acheminer des motopompes, des abris provisoires et de l’eau potable vers les zones sinistrées.
« Ce n’est plus seulement une inondation, c’est une crise humanitaire qui se profile si rien n’est fait rapidement », alerte Mame Diarra, militante d’une organisation locale de soutien aux populations vulnérables.
La rédaction de THIESENEGAL. com