THIEYSENEGAL.com : Le sud et l’ouest du Mali, zones névralgiques pour l’approvisionnement du pays, font face depuis plusieurs jours à une série de blocus et d’attaques ciblées imposés par des groupes jihadistes, perturbant gravement le transport de marchandises et de voyageurs, notamment sur les axes frontaliers avec le Sénégal et la Mauritanie.
Selon des sources locales et des observateurs indépendants, ces actions menées par des factions affiliées à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et à l’organisation État islamique au Grand Sahara (EIGS) visent avant tout à désorganiser l’économie malienne, en entravant la circulation des biens essentiels et en instaurant un climat d’insécurité durable.
Des routes stratégiques sous tension
Depuis le début du mois de septembre, des barrages armés ponctuels sont signalés sur plusieurs corridors stratégiques, notamment l’axe Ségou-Bamako et des portions de routes dans la région de Kayes, à l’ouest. Ces actions entraînent des interruptions prolongées du trafic, parfois sur plus de 10 kilomètres, comme le rapportent plusieurs témoins sur place.
Des bus brûlés, des camions de marchandises ciblés et des chauffeurs brièvement enlevés : les exactions sont multiples. Une compagnie de transport privée a même annoncé la suspension de ses activités « jusqu’à nouvel ordre », face à l’insécurité croissante sur les routes nationales.
Le Mali, enclavé et tributaire du port de Dakar et des plateformes logistiques de Nouakchott et Abidjan pour son approvisionnement en carburant, denrées alimentaires, et biens de consommation, se trouve dans une situation économique d’autant plus précaire que les flux commerciaux sont aujourd’hui paralysés.
Une armée sur la défensive
Face à l’ampleur des blocages, les autorités maliennes ont dans un premier temps minimisé les faits. Le colonel-major Souleymane Dembélé, porte-parole de l’armée, a déclaré lors d’un point de presse que « les sorties des ennemis ne durent pas plus de 20 à 30 minutes », écartant ainsi la notion de « blocus ».
Mais sur le terrain, les témoignages indiquent une présence prolongée et organisée des groupes armés. Si des renforts militaires ont été déployés sur certains axes, leur présence reste limitée dans le temps, contrairement aux jihadistes qui maintiennent une pression constante.
« L’armée arrive, sécurise quelques heures, puis repart. Mais les groupes armés, eux, restent. Cette stratégie doit évoluer », alerte un élu de la région de Kayes.
Une crise multiple et durable
Le Mali, plongé dans une crise sécuritaire depuis 2012, subit une multiplication des fronts, entre insurrections jihadistes, conflits intercommunautaires et insécurité grandissante. La situation est d’autant plus critique que le pays traverse également une grave crise économique, aggravée par les sanctions internationales, l’isolement diplomatique partiel et la dégradation des infrastructures de base.
Un conseil extraordinaire de défense s’est tenu mardi à Koulouba, présidé par le chef de la junte, le général Assimi Goïta. Aucun communiqué officiel n’a été publié, mais des sources proches du dossier confirment que « des décisions urgentes ont été prises pour sécuriser les grands axes commerciaux ».
Depuis son arrivée au pouvoir, la junte a opéré un changement d’orientation diplomatique, rompu avec plusieurs partenaires occidentaux, dont la France, et renforcé sa coopération militaire avec la Russie et la Chine. Si ce recentrage a permis certaines avancées tactiques, la situation sur le terrain montre que la sécurisation durable du territoire reste un défi majeur.