Alioune Tine met en garde contre une dérive autoritaire : « Interdire les financements extérieurs, c’est affaiblir la société civile »
THIEYSENEGAL.com : Invité de l’émission En Vérité sur Radio Sénégal, Alioune Tine, fondateur de l’Afrikajom Center et figure historique de la société civile sénégalaise, a fermement critiqué la proposition du Premier ministre Ousmane Sonko d’interdire les financements étrangers destinés aux organisations de la société civile.
Pour le défenseur des droits humains, cette mesure, présentée comme un acte de souveraineté par le chef du gouvernement, relève davantage d’une volonté de réduire au silence les contre-pouvoirs dans un contexte politique marqué par une recomposition des rapports entre l’État et les acteurs citoyens.
« Le Premier ministre est dans une logique de parti-État. Il ne peut pas admettre une société civile qui ne marche pas avec lui. Or, une société civile digne de ce nom ne doit faire allégeance à aucun pouvoir », a-t-il déclaré au micro de la RTS.
L’indépendance des ONG, un principe non négociable
Alioune Tine a rappelé que l’autonomie des organisations citoyennes a été déterminante dans les luttes démocratiques du Sénégal moderne, notamment contre les dérives autoritaires et les troisièmes mandats. Il a également souligné que ce sont les services de l’État eux-mêmes qui encadrent, reconnaissent et contrôlent les financements étrangers reçus par ces entités.
« Lorsqu’on demande un financement, il faut soumettre un dossier complet, rendre des comptes et publier des rapports. Ce sont les services de l’État qui vous autorisent à exister. »
Pour lui, la souveraineté ne saurait être synonyme d’asphyxie du tissu associatif, et si l’État veut garantir l’indépendance financière de la société civile, il doit aussi assumer sa responsabilité de financement interne.
« Si l’on prône la souveraineté, il faut financer la société civile », a-t-il ajouté, rappelant que c’est l’État du Sénégal lui-même qui, en 2004, avait soutenu l’obtention du statut d’observateur de la RADDHO auprès des Nations unies.
Un appel à la vigilance citoyenne
Alioune Tine a tenu à réaffirmer que l’engagement civique ne se limite pas aux grandes figures médiatisées.
« Dans les coins les plus reculés du pays, il y a des personnes qui travaillent, souvent sans ressources, pour améliorer la vie des populations. »
Il insiste : l’engagement ne doit pas être suspecté à cause du financement extérieur, tant que la transparence, les audits et la reddition des comptes sont respectés.
Un débat politique sous tension
La déclaration du Premier ministre intervient dans un contexte où l’exécutif affiche sa volonté de recentrer la souveraineté sur les institutions nationales. Mais pour de nombreux observateurs, dont Alioune Tine, une telle réforme risquerait de fragiliser le rôle critique et d’alerte des ONG, essentiel au bon fonctionnement démocratique.
La rédaction de THIEYSENEGAL.com